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seront bien faibles pour l’avenir de l’Italie. Il y a même quelque chose de contradictoire dans les idées des Italiens, qui, tout en invoquant avec ferveur l’unité politique de la péninsule, s’attachent ardemment aux traditions des libertés locales qui ont rendu dans l’origine cette unité impossible. Mais ces deux sentimens n’en sont pas moins également respectables, en ce qu’ils ont pour source commune l’amour passionné de la patrie ; et en attendant que les Italiens soient appelés, s’ils doivent l’être jamais, à les concilier dans la pratique, il serait cruel de leur contester le droit de se consoler par le souvenir au moins autant que par l’espérance.

De la grande salle du Palazzo Vecchio les membres du congrès se sont rendus au palais Pitti par la galerie couverte que Côme Ier fit construire entre les deux palais, et qui traverse l’Arno sur le Pont-Vieux. Dans cette promenade, véritablement unique au monde, l’assemblée a traversé d’abord les salles du musée fameux dit des Uffizi, où se trouve la Vénus de Médicis, avec son cortége de chefs-d’œuvre ; puis la galerie couverte, qui ne s’ouvre presque jamais depuis les Médicis, et dont les murs sont couverts de portraits de ces princes et de peintures en leur honneur, dans une longueur d’un demi-quart de lieue ; puis les magnifiques salles du musée Pitti, la collection de tableaux la plus choisie qui existe ; puis enfin les galeries du muséum d’histoire naturelle, où l’académie del Cimento a réuni tant de richesses, et le laboratoire particulier du grand-duc, où étaient exposés les modèles des machines employées pour le grand travail qui occupe la Toscane depuis plusieurs années, le desséchement des maremmes.

À la fin de toutes ces merveilles, et comme pour les couronner, s’ouvrait une salle nouvellement ornée et consacrée à Galilée. Le congrès y a inauguré la statue que le grand-duc vient d’ériger au génie divin qui a en quelque sorte créé la science moderne. Cette apothéose tardive n’est pas le seul hommage que Florence rende aujourd’hui à Galilée. Un éditeur s’est présenté pour publier les manuscrits de cet homme illustre, et le grand-duc, possesseur de ces manuscrits, a consenti à les livrer. C’est une grande nouvelle que nous sommes heureux de pouvoir annoncer au monde savant. La persécution cesse enfin pour Galilée ; il va être honoré comme il doit l’être dans son pays natal. C’était un sentiment universel de joie parmi les membres du congrès, quand ils se sont pressés au pied de la statue nouvelle : ils saluaient en elle le symbole sacré de l’affranchissement de la pensée.

Après cette pieuse station en l’honneur de Galilée, le congrès s’est divisé en sections, qui se sont réunies dans des salles séparées et ont nommé leurs présidens respectifs. Ces sections sont au nombre de six : 1o agronomie et technologie ; 2o zoologie et physiologie ; 3o physique, chimie et mathématiques ; 4o minéralogie et géologie ; 5o botanique ; 6o sciences médicales. Les sciences sociales sont encore bannies, comme on voit, des congrès italiens. Non-seulement la philosophie et l’économie politique n’y figurent pas, mais l’histoire et même l’archéologie n’ont pu y être admises. Il en résulte que la section d’agronomie se renforce de tous ceux qui, n’ayant pas de spécialité scientifique, font cependant partie du congrès à d’autres titres. Cette section était la plus nombreuse ; elle a nommé pour son président l’abbé Rafael Lambruschini. Les présidens des autres sections ont presque tous été des professeurs.

Les membres du congrès ont dîné le même jour à une table commune,