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REVUE. — CHRONIQUE.

espérances et ne pas faire de promesses. On dit que ce n’est pas ainsi que les choses se sont passées ; on assure que trois députés de la gauche se sont rendus auprès de M. de Lamartine pour lui offrir la candidature au nom de leur parti ; on ajoute que l’illustre orateur aurait été touché de cette démarche comme d’une preuve que les partis savaient oublier leurs discordes pour lui témoigner leur estime. Nous ne voulons pas contredire cette légitime induction ; mais, comme après tout les partis, dans les momens décisifs, suivent leurs instincts politiques, sans trop s’arrêter à la valeur relative des personnes, il est à croire que, par cela seul que M. de Lamartine serait le candidat avoué de la gauche, les conservateurs se réuniront sur le candidat de MM. Dufaure et Passy. Disons cependant que M. de Lamartine doit compter sur un certain nombre de voix de son parti, et qu’il lui suffirait de bien peu de boules pour assurer son élection.

Les affaires d’Espagne paraissent prendre une tournure de plus en plus favorable au rétablissement de l’ordre. Les mesures qu’Espartero vient d’adopter, nous nous plaisons à le reconnaître, sont tout-à-fait dignes d’éloges. Espérons que notre nouvel ambassadeur, M. de Salvandy, contribuera à resserrer les liens qui doivent naturellement exister entre les deux pays.

Une ordonnance royale, précédée d’un rapport au roi, par M. le maréchal Soult, vient de régler l’organisation de l’armée dans le but de la mettre d’accord avec notre situation financière. Ce difficile et délicat problème a été résolu par M. le maréchal au moyen d’une réduction, en temps de paix, d’une compagnie par bataillon d’infanterie, ce qui réduit la force totale de l’armée à trois cent quarante-quatre mille hommes, et procure une économie annuelle d’environ trente millions. Nous avons à peine eu le temps de parcourir l’ordonnance et le rapport ; mais, si une lecture rapide ne nous a pas induits en erreur, nous avons eu la satisfaction de reconnaître que M. le maréchal ne s’est point écarté des idées que nous avons toujours recommandées sur ce point si important de notre organisation politique. Les cadres et les armes spéciales, ces grandes créations de 1840, sont conservées. Les réductions ne portent que sur l’infanterie. Le pays ne verra pas, par un esprit exagéré d’économie, désorganiser ce vaste ensemble qu’on a dû improviser en 1840. La France ne sera plus surprise désarmée. C’est dire que, si le gouvernement est fort et résolu, nul n’osera plus la surprendre.

La question des chemins de fer sera décidément portée devant les chambres. Plusieurs conseils-généraux ont été convoqués à l’effet de délibérer sur des projets divers. Il s’agit du chemin direct de Paris à Strasbourg, du chemin de Paris à Lyon, et du chemin de Marseille au Rhône. Nul ne contestera l’importance de ces lignes. Le chemin de Paris à Strasbourg est nécessaire à nos ports de l’Océan. Il les mettra en communication directe avec nos productions de l’Alsace et avec les marchés de la Suisse, de l’Allemagne et du nord de l’Italie. Le chemin de Paris à Strasbourg est à la fois indispensable à notre commerce et à notre puissance militaire. L’Allemagne sera bientôt sillonnée dans tous les sens par des rail-ways. Comment pourrions-nous rester dans