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REVUE. — CHRONIQUE.

n’en serait pas moins active, hardie, entreprenante, ainsi que le voudraient les intérêts et la dignité du pays. Hélas ! on ne le sait que trop, cette majorité compacte, disciplinée, ayant son drapeau, ses croyances, son symbole, cette majorité, qui est pour le gouvernement un principe de vie et de force, la chambre ne l’offre à personne. Elle ne peut pas offrir ce qu’elle n’a pas, ce que désormais il lui est impossible d’enfanter. Le fractionnement de la chambre actuelle est un fait irréparable : tant pis, si la chambre actuelle représentait réellement l’état général des esprits, l’état politique du pays. C’est le fractionnement de la chambre qui fait naître ces luttes politiques dont nous sommes périodiquement témoins. Là où il n’y a pas de majorité fixe, il y a espoir pour tout le monde. Prolonger l’existence de la chambre jusqu’au dernier jour de sa vie légale serait courir les chances d’un avenir inconnu sans compensation dans le présent ; à mieux dire, ce serait aggraver la situation : car les débats d’une chambre ainsi fractionnée, les luttes violentes dont elle devient le théâtre, et les crises ministérielles dont elle ne cesse de menacer le pays, ne peuvent certes pas exercer une influence heureuse sur les esprits.

On est ainsi à peu près d’accord sur ce point, que cette session est la dernière session de la chambre actuelle, que la dissolution en sera prononcée au plus tard après le vote du budget. Dès-lors, chacun de se demander par qui et au profit de quel système se feront les élections générales. On comprend qu’en présence d’une si grave question, d’une question peut-être si décisive, les partis redoublent d’efforts et d’activité. On comprend que chaque parti cherche à effrayer le pays en lui parlant de l’influence que le parti contraire exercerait sur les colléges électoraux.

Un ministère de centre gauche, disent les conservateurs, serait forcé de faire, dans les élections, d’énormes concessions à la gauche. Il lui aplanirait les voies du pouvoir. Ce serait préparer une révolution.

C’est le ministère actuel, disent ses adversaires, qui, en obtenant la dissolution de la chambre, ferait naître dans les esprits irrités une réaction funeste à la monarchie constitutionnelle. Pour renverser le cabinet, le pays nous enverrait une chambre violente. Après avoir renversé les hommes, respecterait-elle les institutions ?

Ce qu’il y a de vrai pour tout homme calme et impartial, c’est que les prochaines élections générales sont en effet la question capitale du moment ; nous l’annoncions il y a déjà quelques mois ; le temps n’a fait que confirmer nos prévisions et nos craintes. Aujourd’hui tous les esprits en sont frappés. Laissons aux partis ces accusations exagérées dont ils sont tour à tour les propagateurs et les victimes. Bornons-nous à en conclure, fidèles à ce juste-milieu qu’il ne suffit pas de prêcher, mais qu’il faut pratiquer, que les élections seraient en effet un danger pour le pays, si elles n’étaient pas faites dans un esprit de sagesse et de modération, si on voulait en faire un moyen de parti plutôt qu’un moyen de gouvernement ; si, au lieu de songer à donner à la France un gouvernement fort, éclairé, fidèle aux principes de notre constitution et de notre monarchie, on ne songeait qu’à écraser ses adversaires politiques.