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PROGRÈS DE LA RUSSIE DANS L’ASIE CENTRLE.

que nos premières imprudences nous forcent de faire à Abd-el-Kader ; il ne le mit pas aux prises avec des soldats braves et disciplinés ; cependant, comme il fallait le punir, il lâcha contre lui les Kalmouks et les Bachirs. Surpris de cette invasion soudaine, pourchassé jusque dans ses déserts, Aboulkaïr implora la clémence du gouverneur d’Orenbourg, qui consentit à rappeler ses sauvages auxiliaires.

Du côté de l’Asie, les Kirghiz-Kazaks avaient encore d’autres ennemis dont les oppressions étaient fréquentes et terribles, c’étaient les Zungars et les Khiviens. Le gouvernement russe voulait bien châtier lui-même ses nouveaux sujets, mais il ne pouvait plus souffrir que les étrangers les attaquassent. Néplouief ouvrit des négociations avec tous les peuples de l’Asie centrale, il attira leurs chefs à Orenbourg ou députa vers eux ses aides-de-camp ; il proclama bien haut que, les steppes des Kirghiz-Kazaks étant une dépendance de l’empire, il fallait les respecter comme ses autres provinces. Sans doute les invasions ne cessèrent pas ; mais, à dater de cette époque, elles devinrent plus rares, et les différens chefs en répudièrent presque toujours la responsabilité.

À la mort d’Aboulkaïr, arrivée en 1749, son fils Nourali fut proclamé khan sur la recommandation de Néplouief, qui lui donna l’investiture de sa nouvelle dignité.

Depuis ce moment, la prépondérance de la Russie demeura hors de conteste. Les Kirghiz-Kazaks cherchèrent bien encore à lutter contre la domination étrangère, mais toutes leurs tentatives de révolte échouèrent si misérablement, qu’il serait superflu d’entrer dans les détails de leur agonie politique. Ce qu’il importe le plus de remarquer, c’est la marche lente et toujours sûre du gouvernement russe. Exilés au milieu d’une nuée de barbares, ses agens à Orenbourg, sans autre ressource que leur génie, ont augmenté de deux millions le nombre des sujets de l’empire, créé des débouchés à son commerce et préparé à son ambition une voie dont l’Inde pourrait bien être le terme.

Le grand travail auquel la Russie se livre aujourd’hui à l’égard des Kirghiz-Kazaks a pour but de les assimiler à ses autres sujets. C’est à Catherine II que revient l’honneur de cette difficile et chanceuse tentative. Le baron Igelstrom fut à Orenbourg l’instrument des pensées de l’impératrice. Après avoir rendu complètement insignifiante la dignité de khan par le partage des steppes en un certain nombre de districts où tout le pouvoir n’est pas confié aux mêmes mains, il a cherché les moyens de répandre dans les hordes quel-