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REVUE. — CHRONIQUE.

devoir impérieux. On a dit avec plus d’esprit que de vérité que la légalité nous tue ; c’est l’illégalité qui nous tuerait, si on lui laissait le champ libre, même lorsqu’au lieu d’être le fait des autorités, elle serait le fait des particuliers. La loi pour tous, et en toutes choses : tant que ce dogme n’aura pas profondément pénétré dans les mœurs, notre éducation politique sera loin d’être achevée.

Le mouvement qu’on annonçait depuis long-temps dans notre diplomatie paraît enfin s’accomplir. M. de Saint-Aulaire est nommé ambassadeur à Londres, M. de Flahaut le remplace à Vienne. On dit que M. le marquis de Dalmatie passe de Turin à Berlin, que M. Bresson a obtenu l’ambassade de Madrid, et M. de Salvandy celle de Turin.

Au point de vue politique, le fait le plus important dans ces nominations serait l’acceptation d’une ambassade par M. de Salvandy, l’un des ministres du 15 avril qui étaient restés jusqu’ici à l’état de paix armée vis-à-vis du ministère. Le fait serait significatif, s’il était réellement le résultat, l’expression, l’indice ou le préliminaire d’une union plus intime, d’une fusion entre quelques nuances du parti conservateur. Ce sont là les inductions des esprits prompts à conclure. Nous ne les suivrons pas dans ces conclusions, qui ne nous paraissent jusqu’ici que des conjectures quelque peu hasardées.

Ce qui est certain pour nous se réduit à ceci : à l’approche de la session, les partis se préparent, sur le terrain parlementaire, à de grands efforts et à de rudes combats. Les demi-alliances, les amitiés conditionnelles qui ont suffi au cabinet pour traverser la session dernière, ne lui suffiraient plus. Les rôles sont changés. Pendant la dernière session, c’était au 1er mars qu’appartenait le rôle de défendeur. Tous ceux qui, par une raison quelconque, ne voulaient pas de lui, quels qu’ils fussent, d’où qu’ils vinssent, quel que fût leur but, étaient propres à l’attaque. On se rallie aisément sous une négation. Il est si facile de dire ce qu’on ne veut pas, lorsqu’on n’est pas en même temps forcé de dire nettement ce que l’on veut, lorsqu’on ne doit pas donner l’expression précise de ses intentions sur telle ou telle question particulière.

Aujourd’hui la discussion des actes du 1er mars est épuisée. On pourra encore les attaquer ; ce sera même une tactique que d’essayer de replacer la question sur le terrain de l’an dernier. Mais au fond la question est autre. L’opposition, au lieu d’accepter ce combat purement défensif, prendra les devans, et, s’emparant de tous les faits, intérieurs et extérieurs, de l’administration actuelle, elle les retournera contre elle. À l’opposition l’attaque, au ministère la défense. Et alors il ne suffira plus au ministériels de dire : Nous ne voulons pas du 1er mars ; nous blâmons sa politique, nous repoussons son système ; il faudra ajouter : Nous voulons le 29 octobre, parce que nous approuvons sa conduite, parce que nous adoptons ses actes, parce que sa politique est notre politique et que son système est notre système. Il faudra, sans généralités, sans ambages, s’expliquer et voter sur les faits particuliers qui ont signalé l’administration du 29 octobre, sur le recensement, sur l’emprunt ajourné, sur le traité du 13 juillet, sur le désarmement, que sais-je ? Ce n’est