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dans le Nouveau-Monde sont tous empreints d’un même caractère de fanatisme étroit et haineux. Leur lecture ne peut offrir ni consolation ni enseignement, si ce n’est à ces quelques esprits chagrins qui, oubliant que l’imperfection est inhérente à la nature humaine, croient trouver dans le passé des modèles de vertu et d’excellence morale qu’ils ne veulent jamais reconnaître dans le présent.

Au reste, à cette époque et plusieurs années après, il ne s’imprimait point d’ouvrages en Amérique. Les émigrans envoyaient leurs manuscrits directement en Europe, d’où ils ne revenaient imprimés qu’au bout d’un assez long intervalle. Ce ne fut que vers l’an 1700 qu’on songea à établir, pour la première fois, des presses dans les colonies du nouveau continent. En 1701, on n’y comptait encore que quatre presses. La déclaration d’indépendance vint enfin donner une impulsion aux sciences et aux arts en Amérique. Affranchis du joug de la métropole, appelés à poser les bases d’un nouvel édifice politique, les Américains virent se manifester soudainement dans leurs villes, dans leurs assemblées, ces tendances larges et philosophiques qu’exigeait une mission aussi grande et aussi difficile. Des hommes vraiment supérieurs, comprenant la nécessité d’éclairer leurs concitoyens sur la nature de la situation sociale dans laquelle ils entraient, se mirent à la tâche et développèrent, dans un recueil intitulé le Fédéraliste, les principaux motifs qui avaient présidé à la rédaction de la nouvelle constitution. Comme cela devait être, leurs théories centralisatrices rencontrèrent de l’opposition. Le peuple, fortement intéressé à la lutte, prit parti pour ou contre les combattans, selon qu’il se laissait entraîner par ses intérêts, ses goûts ou ses préjugés. Bientôt il y eut des opinions, des partis, une littérature, non une littérature vieille et décrépite, mais jeune, pleine de vigueur, ayant foi en elle-même et dans l’avenir. C’est le grand siècle intellectuel de l’Amérique. Jefferson, Hamilton, Franklin, noms justement chers aux Américains, se montrèrent à la tête de ce brillant mouvement. Tous ou presque tous les écrivains que nous venons de nommer, appelés plus tard à prendre une part active à l’administration de leur pays, se sont distingués comme hommes de cœur et d’action. Jay a servi son pays dans la carrière diplomatique ; Jefferson a été deux fois président de l’Union. Hamilton, après avoir rempli avec éclat les fonctions de secrétaire au département des finances, est mort de la main d’un adversaire politique qu’il avait provoqué par un sarcasme.

Ici, on peut remarquer une analogie entre cette période de l’his-