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MADEMOISELLE DE LA CHARNAYE.

de M. de Lescure, des nouvelles et des instructions qui achevèrent de le décider. Le marquis annonça qu’on allait partir pour se joindre au corps de M. de Larochejaquelein. Il prit quelques dispositions avec sa fille et les principaux d’entre les paysans, monta à cheval, et l’on quitta Vauvert aux cris de Vive le roi ! au milieu des femmes et des enfans, qui accompagnèrent les paysans jusqu’à plus de deux lieues.

Le général républicain Marcé s’était avancé à la tête de forces considérables, et venait d’être battu. À dater du 13 avril 1793, les chefs poitevins se réunirent, et les divisions d’Elbée, Stofflet, Cathelineau, Bérard, formèrent la grande armée catholique et royale d’Anjou et Haut-Poitou. Le marquis de La Charnaye, à la tête de sa paroisse, fut accueilli avec les égards qu’on lui devait. Chemin faisant, de vieux officiers, des gentilhommes des environs, M. de Vendœuvre, son beau-frère, et M. de Châteaumur s’étaient joints à lui. En sa qualité d’ancien capitaine, et tant à cause de son âge que de son mérite bien connu, il aurait pu commander ce que l’on appelait une division ; mais les paysans du canton avaient élu le digne Lescure, il se rangea modestement sous ses ordres. Au reste, cette espèce d’organisation et surtout le nombre des combattans, là où il n’avait cru trouver qu’une mutinerie d’enfans, commencèrent de l’étonner. Il essaya plus sérieusement de mettre quelque discipline dans sa troupe ; malheureusement il manquait de patience : ce défaut venait de ses habitudes militaires prises dans l’extrême régularité de l’ancien service, et, dès qu’il s’agissait de manœuvres, il s’emportait jusqu’à la violence.

Après la première organisation de l’armée, les Vendéens marchèrent sur Beaupréau ; les républicains leur opposaient six mille hommes. C’était la première fois que M. de La Charnaye se trouvait en face des jacobins, comme il les appelait. Il s’élança comme un lion à la tête de ses paysans, qu’il avait inutilement voulu dresser à un semblant de tactique. Ces hommes étaient pleins de courage, mais il était impossible de leur faire entendre un commandement. — Égaillez-vous mes gars ! criait M. de La Charnaye, qui s’y était habitué. C’était leur seule manœuvre, qui consistait à s’étendre, à déborder les ailes des bleus et à tomber sur eux comme la foudre. Les républicains furent écrasés. On chanta le Te Deum sur le champ de bataille, on tint conseil, et l’on marcha sur Thouars. L’armée était enflammée de ces premiers succès, et le marquis, voyant la guerre commencer ainsi, ne désespérait plus de la France.

Quétineau défendait Thouars avec une armée. On connaît les dé-