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distribue aux pauvres. M. Rochet le vit donner un jour sept mille bœufs à ses sujets. Sa fortune particulière est colossale pour le pays ; son domaine est immense. Ses produits en denrées et en bétail suffisant et au-delà à ses dépenses, il thésaurise chaque année et recueille trois cent mille talaris en impôts et en droits de passage sur les caravanes. Ces sommes reposent dans un caveau creusé dans la montagne et situé à trois lieues au nord d’Ankobar. Sahlé-Salassi y conduisit le voyageur français. L’argent y est entassé dans des jarres placées sur deux rangs : à vue d’œil, on pouvait y compter deux cents jarres, contenant chacune de cinq à six mille talaris. Jusqu’ici les souverains faisaient fondre les écus quand la jarre était pleine, de manière à convertir en lingots l’argent monnayé ; mais Sahlé-Salassi n’a pas tardé à comprendre que c’était là une perte gratuite, un anéantissement de valeurs, et il conserve maintenant les talaris tels qu’on les verse dans les coffres.

La richesse véritable du royaume de Choa, c’est son agriculture. Grace au climat, on y fait chaque année deux moissons de céréales. Tous les six mois, des pluies abondantes viennent féconder les plaines, et le soleil achève ce que l’eau a commencé. Les arbres sont toujours verts sur ces plateaux ; deux fois par an ils portent des fruits et des fleurs. La culture du sol est d’ailleurs partout dans l’état le plus élémentaire, les terres sont naturellement si fécondes, qu’elles n’ont pas besoin d’engrais. Les Abyssins labourent avec la charrue antique, qui ouvre à peine un léger sillon. Les produits bisannuels sont le blé, l’orge, le thèfle, le dourah, les fèves et le lin. Le coton et le lin que l’on recueille pour le tissage sont de la plus belle qualité. L’indigo croît naturellement à l’état sauvage, et le caféier réussirait à souhait. Les étoffes se tissent par les méthodes les plus simples ; le fer se forge à la catalane, et les femmes excellent à tresser des paniers d’osier.

Le commerce de Choa, limité à des échanges intérieurs, n’a pas encore pu pendre un grand essor. Son éloignement de la mer et les difficultés du chemin qui l’en séparent sont les motifs les plus réels de cette langueur. Cependant au sud-ouest du Choa existe un pays musulman, l’Harrar, qui entretient avec la côte, et surtout avec les ports de Barbara et de Zeïla, un mouvement très actif de caravanes Depuis que ce débouché a été ouvert, les marchands de l’intérieur de L’Afrique ont négligé les marchés du Choa et pris le chemin de l’Harrar. La population industrieuse de ce petit état s’est ainsi emparée du commerce de l’Afrique ; chaque jour elle visite le Cambat,