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VOYAGE DANS L’ABYSSINIE MÉRIDIONALE.

mot. La seule autorité réelle réside dans le souverain et dans les hommes qu’il se substitue. Il n’y a point de grand seigneur, à proprement parler ; l’aristocratie de sang est inconnue. Le roi seul fait et défait les nobles, c’est-à-dire s’entoure de dignitaires dévoués, et congédie ceux dont les services ne lui conviennent plus. Ce régime, qui paraît, au premier coup d’œil, despotique, est tempéré par des habitudes populaires qui ont de profondes racines dans le pays. Le rôle du roi est celui d’un patriarche, et sa puissance est avant tout paternelle. Le chef de l’état n’est en réalité que le chef d’une grande famille ; et l’on a vu que, quand il donne un festin, c’est son peuple entier qu’il traite. Cependant, à côté du roi, existe un pouvoir constitué à l’état de caste, celui du clergé ; mais il est l’objet d’une surveillance sévère. Les prêtres sont chargés de l’enseignement, et cette fonction leur assure une grande influence dans la direction des esprits.

Les Abyssins de Choa écrivent avec des roseaux, comme les Arabes. Très ignorans en fait de science, ils cultivent avec ardeur la littérature. Sahlé-Salassi passe pour l’un des meilleurs poètes de son royaume, et les bons improvisateurs ne sont pas rares à Ankobar et à Angolala. L’organisation militaire est très simple dans le pays de Choa : on n’y compte qu’un petit nombre de troupes permanentes, formées en grande partie d’esclaves achetés par le roi. Le reste de l’armée se compose de tous les hommes qui peuvent monter à cheval. Sur un ordre du souverain, on en voit accourir vingt, trente, quarante mille : dans un cas urgent, cent mille cavaliers se lèveraient, car la guerre est une véritable passion pour ces peuples belliqueux. Ces escadrons improvisés sont soutenus par la troupe d’élite qui forme la garde du roi, corps d’hommes choisis, disciplinés et d’un courage à toute épreuve. Parmi les chefs abyssins, celui de Choa est incontestablement en première ligne pour la puissance militaire. Le Tigré compte plus de fantassins, mais ils sont encore armés de fusils à mèche, qui se posent sur une fourchette volante comme autrefois les mousquets de rempart. Sahlé-Salassi a moins d’infanterie, mais elle est exercée et se sert de fusils à pierre. Quant à la cavalerie, le royaume de Choa marche sans rival sur ce point, et les Gallas seuls, s’ils se liguaient, pourraient balancer son armée pour le courage et pour le nombre.

La propriété est reconnue dans le Choa, consacrée, entourée de toutes les garanties. Des contributions perçues au nom du roi servent à l’entretien de sa maison, de ses dignitaires, des officiers de sa garde. Quand ses revenus présentent un excédant, Sahlé-Salassi le