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miration. Milan et Naples sont peuplées encore des descendans de ces hommes qui ont conçu la ligue lombarde et qui ont fait la révolution de Mazaniello. À Florence, on ne peut heurter une pierre qui ne rappelle le souvenir de Dante, de Machiavel, de Michel-Ange ou de Galilée. Si dans ces villes on ne trouvait actuellement ni la mâle énergie, ni l’ardeur pour les études qu’on serait en droit d’y chercher comme un héritage de ces glorieux souvenirs, il faudrait surtout s’en prendre au défaut d’éducation nationale. Aussi, la nouvelle école historique nous semble bien mériter de l’Italie ; au lieu de perpétuer les abus, elle veut concilier l’étude du passé avec le progrès, et diriger les recherches historiques vers l’instruction du peuple et la régénération lente et sûre de l’Italie : elle mérite à ce titre les sympathies et les encouragemens de tous ceux qui aiment cette belle et malheureuse contrée.

Le Piémont et la Toscane sont les deux pays où l’on s’occupe avec le plus d’activité de l’histoire de l’Italie. À Turin, le gouvernement a nommé une commission chargée de publier une collection de Monumens historiques, dont il a déjà paru trois volumes in-folio. Dans le premier il y a les chartes et les diplômes, le second contient les lois municipales, et le troisième renferme les historiens. Nous n’essaierons pas de donner ici l’analyse des matières contenues dans ces trois énormes volumes. Dans les diplômes se trouvent une foule de faits curieux et intéressans pour l’histoire du moyen-âge. C’est à l’aide de ces pièces surtout que l’on peut pénétrer au fond de cette histoire obscure et cachée ; c’est en étudiant ces recueils que les esprits trop systématiques peuvent apprendre à se défier de leurs premiers aperçus. Mieux que toute autre chose, les lois municipales, les statuts, nous font comprendre combien d’idées fausses ou incomplètes on se forme sur les républiques italiennes du moyen-âge. Ces républiques si industrieuses, si riches, si florissantes, où les arts étaient cultivés avec tant de succès, et que quelques auteurs ont voulu nous représenter comme étrangères à toutes les misères de l’humanité, n’ignoraient aucun des vices de la civilisation la plus raffinée, et il y a déjà cinq siècles que Dante en avait déploré la corruption. C’est surtout dans les statuts municipaux qu’il faut chercher les mœurs du temps. Tantôt les lois luttent vainement contre l’immoralité ; tantôt elles sanctionnent des droits qui nous paraissent, à nous, des abus épouvantables. Les jeux de hasard sont défendus sous les peines les plus sévères, et l’on voit en même temps se former des sociétés par actions pour exploiter l’adresse de quelques joueurs habiles qu’on