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DE LA POÉSIE LYRIQUE EN ALLEMAGNE.

« Ô petit anneau ! dans l’abîme des ondes, les poissons te happent librement, mon petit anneau ; c’est bon signe, signe de la foi de ma maîtresse. »

Les morceaux de choix abondent en ce genre, et nous pourrions puiser à l’infini, dans Justin Kerner surtout, le chef avec Uhland de l’école souabe moderne, et dont le nom et les œuvres occuperaient sans doute une place importante dans ce travail, si nous ne nous réservions à l’étudier à part, ainsi que d’autres figures pleines de grace et d’intérêt de l’Allemagne contemporaine.

On trouve en outre des ballades et des lieds où les rhythmes les plus divers se rencontrent, et qui forment une sorte de romans lyriques, ou, si l’on aime mieux, de petits drames du genre de la Belle Meunière, de Wilhelm Müller, dont nous avons produit plus haut certains fragmens. Ces œuvres, mosaïques de précieuses et de savantes incrustations, se brisent d’ordinaire en compartimens variés. Chaque strophe est un lied qui, tout en se mêlant à l’ensemble, garde sa vie individuelle, sa physionomie originale, et peut à merveille se détacher du reste et se chanter à part. Avec la Belle Meunière, je citerai encore, parmi les plus aimables de ces compositions qui se fractionnent à volonté, où le détail même a son ensemble et peut s’extraire, le gracieux poème d’Esther et Johann du même auteur. Les amours du poète avec une juive font le sujet de cette mélodieuse inspiration, de ces vers à lire au printemps, s’il faut en croire Wilhelm Müller[1], et qui commencent par célébrer les joies de Noël.

LA VEILLÉE DE NOËL.

« Je vois briller à travers les fenêtres la verdure et l’or et la lueur des cierges ; j’entends à travers les volets retentir en cris de fête les voix limpides des enfans.

« Les trompettes éclatantes entonnent du haut des tours du sanctuaire un hosannah pour celui qui donna au monde son jeune enfant !

« Mon cœur, mon cœur, d’où te vient cette joie ? Mon cœur, mon cœur, n’es-tu pas seul ? Notre encens et nos vœux, à qui les offrir ?

« J’en sais une à qui je veux du bien ; sa porte reste ouverte pour moi, et sa chambrette me connaît.

« Mais dans sa maison silencieuse, nul clair flambeau de réjouissance ne

  1. Wilhelm Müller assigne à la lecture de ses poèmes certaines époques de l’année que lui dicte le sentiment dans lequel ils ont été conçus, et qu’il prend la peine d’indiquer lui-même sur le titre en manière d’épigraphe. Ainsi la Belle Meunière serait pour être lue en hiver (Im Winter zu lesen), Esther, au contraire, pour être lue au printemps, (Im Frühling zu lesen).