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blondes pour les protéger et les guider, la musique s’introduit auprès du berceau. On endort le nourrisson en chantant, en chantant on dirige ses premiers pas sur l’herbe. L’enfant n’arrache pas une marguerite au jardin, ne poursuit pas un papillon dans le bois, que la poésie et la musique ne se trouvent là pour consigner son acte. On l’élève, on le forme avec des sons : les oiseaux, les fleurs, les arbres, les caractères de l’alphabet, les vertus même et les vices, toutes les choses de la nature et de la morale, ne se révèlent à lui que par des sons ou des mélodies. Un grand nombre de ces lieds, les plus charmans sans doute, remontent à l’époque la plus reculée, et sont tellement répandus en Allemagne, que vous les rencontrez partout dans le peuple, en dépit de la variété des dialectes. — Ainsi la venue au monde de l’être donne lieu à toute une série de petits poèmes ; sa disparition est moins féconde. Avec la mort, une période poétique entre bien dans les familles ; les plaintes, les regrets, ces appareils lugubres, ne sont pas, Dieu merci, de tous les jours ; mais d’un côté la douleur sincère et profonde n’a que faire de s’analyser elle-même, et le ton des sanglots ne se note pas ; de l’autre, c’est la religion qui se charge de célébrer ces pompes, dont elle écarte la fantaisie populaire par la solennité de sa présence. On peut dire pourtant que le sens collectif qui a pris une si vive part aux fêtes du mariage ne se dément point complètement en cette occasion. Les sympathies qu’inspire le défunt, les consolations adressées à ceux qui lui survivent, servent de motifs à des chants propres à la circonstance ; et le lied sépulcral qu’on entonne à table en buvant à plein verre le vin mousseux des funérailles, apparaît comme la dernière émanation de la vie de famille parcourant le cercle naturel de son activité.

En dehors de cette sphère un peu bornée dont nous parlons, les familles ont leur développement le plus proche, et, qu’on nous passe le mot, leur coloration individuelle dans un autre centre, les corporations des divers états. Ce n’est plus désormais l’universel et l’absolu en soi comme dans la religion, l’égoïsme dans l’absolu comme dans l’amour, mais tout simplement le particulier dans le général qui forme le point de départ. L’état qui vit en contact immédiat avec la nature doit nécessairement être le plus simple de tous et dépendre du cours des astres, des révolutions climatériques, des moindres influences capables de modifier la température ; les variations du jour et de la nuit à certaines époques de l’année, la propriété particulière des saisons, du printemps et de l’automne, de l’hiver et de l’été, voilà le fonds