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les font aimer en dépit de ce qui peut s’y trouver de trivial et de grivois. Ainsi le fameux lied :

« La nuit, quand j’étais auprès d’elle, nous causions de chose et d’autre, »

étincelle de grace et de caprice. Il faut louer aussi un petit poème où Vénus est représentée tenant entre les mains des cartes qu’elle mêle à plaisir, et qui renferme une comparaison ingénieuse de la bien-aimée avec la dame de cœur.

Il nous reste encore à constater deux variétés dans cette espèce de lieds d’amour, dans la sphère de cette passion qui se propose pour but l’expression des ardeurs de la jeunesse et ce qu’elles ont de tumultueux et de désordonné : l’une qui comprend les nocturnes, les sérénades, toutes les chansons à chanter au clair de lune, sous la croisée de sa maîtresse, et qui n’a guère pour se défrayer que le motif suivant qu’elle répète dans tous les modes et sur tous les tons :

« Ô belle Phyllis, écoute notre musique, et laisse-nous, une nuit, faire une pause dans tes bras ; »

l’autre, qu’il serait peut-être aussi bien de passer sous silence, admet volontiers les gravelures et les obscénités qui s’y glissent en cachette sous l’apparence d’un vers latin plus ou moins adroitement entremêlé au rhythme. Cette forme bizarre vient sans doute de la liturgie, dont elle est un plagiat dérisoire, et rappelle, dans la poésie, l’idée que représentent dans l’architecture du moyen-âge ces gros diables mitrés et ces moines ventrus à têtes d’animaux sculptés sur le portail des cathédrales.

J’étais une fille divine,
Virgo dùm florebam,
Chacun vantait ma jambe fine,
Omnibus placebam.

CHŒUR

Hoy et 0e maledicantur tiliæ,
Juxta viam positæ, etc., etc.

J’allais dans le petit bois sombre
Flores adunare,
Un méchant me voulut à l’ombre
Ibi deflorare, etc.

Nous avons envisagé l’amour sous son double point de vue divin et humain, nous l’avons considéré d’abord comme rapport de l’homme à Dieu, comme religion, puis comme rapport naturel de l’homme à