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employés à différentes époque dans la construction des édifices, enfin une notice sur les aqueducs anciens et modernes. Nous regrettons que les bornes de cet article ne nous permettent pas de donner ici quelques extraits de ce travail rempli d’intérêt.

M. Letarouilly nous paraît avoir été moins heureux lorsqu’il a voulu faire une incursion dans le domaine de l’archéologie pure. Dans la notice sur la population de Rome, en reproduisant la méthode critique que M. Dureau de la Malle avait appliquée si ingénieusement à l’examen de la même question, il arrive à des conclusions un peu différentes ; mais il nous a semblé que les bases de son travail sont plus contestables que celles qu’avait posées le savant académicien ; et jusqu’à ce que des découvertes imprévues viennent jeter un jour nouveau sur cette question difficile, nous pensons que c’est ici le cas de se rappeler que le mieux est quelquefois l’ennemi du bien, et nous nous en tiendrons aux conclusions de M. Dureau de la Malle.

Je parlais, en commençant cet article, de la tendance archéologique que suit l’architecture moderne. Cette tendance a conduit naturellement les artistes à écrire, et c’est un grand bien. Pendant long-temps la critique des arts a été abandonnée aux gens de lettres, juges souvent incompétens et en général très légers et très superficiels. Appelés à s’expliquer devant le public, les artistes rectifieront l’opinion et parviendront peut-être à populariser chez nous les principes de la critique en matière d’art, principes fort différens de ceux d’après lesquels procèdent la plupart des gens de lettres. Au XVIe siècle, les grands maîtres italiens écrivaient peu, il est vrai, mais ils exerçaient une immense influence sur le goût public par leur enseignement oral et par leurs relations constantes avec toutes les classes de la société. La presse offre à nos artistes un moyen d’action puissant qu’il ne doivent pas négliger. M. Letarouilly donne la preuve dans son ouvrage que les questions même techniques peuvent offrir de l’intérêt à tous les lecteurs lorsqu’elles sont clairement présentées, comme il sait le faire, et qu’elles se rattachent à des considérations générales. C’est, ce nous semble, la véritable manière, la seule manière d’écrire sur les arts que de se rendre intelligible pour tous, et nous louerons pleinement M. Letarouilly d’avoir soigneusement évité ce jargon d’atelier qui n’est bon qu’à déguiser l’absence d’idées. La clarté seule est un immense mérite, il y joint une élégance remarquable. Tout son livre est écrit avec une pureté académique, et l’on pourrait croire que M. Letarouilly s’est occupé uniquement d’études littéraires si une foule d’observations pratiques et positives ne témoignaient d’une expérience approfondie dans son art.


P. Mérimée.

V. De Mars.