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choses, au point que le gouverneur turc, dès son arrivée, a fait connaître au divan qu’il lui était impossible de remplir sa mission. Ces faits doivent cesser. S’ils se prolongeaient, ils ne justifieraient que trop les soupçons qu’a fait naître dans plus d’un esprit l’intervention armée de l’Angleterre en Syrie.

Les affaires de la Suisse ne paraissent pas prendre, au sein de la diète fédérale, la tournure que désireraient les amis sincères de ce pays. Le canton d’Argovie tergiverse ; la commission de la diète se partage en plusieurs minorités ; la diète, tiraillée par les radicaux et les sarniens, faiblit et paraît vouloir se proroger sans rien terminer. C’est le plus mauvais de tous les partis. L’intrigue et les passions profiteront seules de ces délais, et l’Europe se croira autorisée de plus en plus à en conclure que la Suisse est hors d’état d’arranger une affaire de quelque gravité. Ce qui manque à la Suisse, c’est une saine appréciation des circonstances générales et des dangers qui peuvent en résulter pour elle-même. Une note de l’Autriche paraît avoir fort indisposé les esprits en Suisse. La note, nous le reconnaissons, n’aurait pas dû être présentée ; il est quelque peu ridicule de venir aujourd’hui, à propos de je ne sais quel couvent, mettre en avant les droits de la maison de Hapsbourg. Mais, parce que l’Autriche fait une démarche inopportune, faut-il que la Suisse se laisse détourner du but qu’il est de son intérêt d’atteindre ? Parce que l’Autriche expose à la diète des prétentions sans fondement, faut-il que la diète se montre impuissante ? Parce que l’Autriche a tort, s’ensuit-il que le canton d’Argovie ait raison ? Si la diète eût pris une résolution, une résolution ferme, à une imposante majorité, toutes les chicanes diplomatiques seraient tombées à l’instant même. Voilà ce que la Suisse ne comprend pas assez. C’est la faiblesse, c’est l’hésitation qui provoque les interventions. Les états secondaires ont beau se plaindre, ils peuvent être fondés en droit, ils ne changeront pas le cours des choses. Aujourd’hui, plus que jamais, par des raisons qu’il serait trop long d’énumérer ici, toutes les fois qu’un état de second ordre ne viendra pas à bout de ses affaires, les grands états, un peu plus tôt, un peu plus tard, finiront par s’en mêler, surtout s’il s’agit d’un état important par sa position militaire, surtout, disons-le, s’il s’agit d’une république agitée par des partis extrêmes et violens. Au surplus, ce n’est pas au gouvernement français qu’on peut supposer l’envie de se mêler des affaires de la Suisse. Le ministère a montré dans ses rapports avec la confédération le respect le plus scrupuleux pour l’indépendance helvétique. En témoignant à la Suisse le désir de la voir mettre fin aux différends qui l’agitent, il lui a tenu le langage d’un ami sincère et éclairé.

Les affaires de la Grèce sont encore plus difficiles que celles de la Suisse. Décidément, le roi Othon ne veut ni gouverner ni laisser gouverner. Maurocordato ne peut rien obtenir : ministre impuissant, il ne voudra pas assumer long-temps la responsabilité de tout ce désordre. Le roi Othon ne devrait pas oublier qu’il est en Grèce d’hier, et que ce n’est pas par l’inaction qu’un Bavarois peut prendre racine dans la terre de Périclès.

Chez nous, les agitations intérieures s’apaisent, les esprits s’éclairent, les