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REVUE. — CHRONIQUE.

Là est le nœud de la question. L’Irlande exige, elle a le droit d’exiger des concessions. Il sera facile au nouveau cabinet d’obtenir des deux chambres ce que les whigs n’auraient point arraché à la chambre des lords ; mais si ces concessions sont de nature à satisfaire les catholiques irlandais, on peut être certain qu’elles irriteront profondément les orangistes. D’ailleurs il sera trop difficile à un cabinet tory de ne pas livrer l’administration civile et judiciaire de l’Irlande à ses propres amis, c’est-à-dire aux orangistes qui, passionnés, violens, orgueilleux, oublieront bientôt tous les conseils de modération et de prudence qui leur viendront de Londres. L’administration est de tous les jours, de tous les instans, elle prend pour ainsi dire les hommes corps à corps. De mauvaises lois peuvent être neutralisées par une bonne administration ; mais à quoi servent les meilleures lois confiée à une administration partiale, hostile, détestable ?

Quant aux affaires étrangères, nous sommes convaincus que le ministère Peel y apportera plus de réserve, plus de mesure et plus de dignité que n’y en mettait le dernier cabinet, ne fût-ce que pour éviter le reproche d’imitation. Dans son dernier discours au parlement, M. Peel vient de s’exprimer d’une manière digne sur la France, sur son importance en Europe, sur les avantages de l’alliance française. Il y a loin de là au discours de lord Palmerston à ses électeurs, à cette déclamation contre notre gouvernement et notre armée d’Afrique, déclamation inconcevable surtout dans la bouche d’un ministre des affaires étrangères. Mais si lord Palmerston a beaucoup de capacité et d’esprit, il a encore plus d’emportement et de passion.

Au surplus, tout en racontant les faits tels qu’ils sont, nous ne sommes pas de ceux qui se félicitent de cela seul que les tories ont repris en Angleterre le maniement des affaire. L’avénement des whigs était je dirais presque le pendant de notre révolution. C’est entre les whigs et la France de juillet qu’une alliance, fondée sur l’analogie des principes, devait être indissoluble. Les whigs l’ont brisée avec une légèreté qu’on ne saurait qualifier, nous n’avons pas de regrets à leur donner ; mais, avant de nous féliciter de l’avénement de leurs successeurs, nous devons attendre leurs actes. Leurs premières paroles, nous nous plaisons à le reconnaître, sont convenables. Nous aimons à croire que les faits ne viendront pas les démentir.

Il est des circonstances qui doivent attirer sans retard l’attention des deux gouvernemens, et nous donner mesure de leurs dispositions réciproques.

Il y avait des négociations pendantes avec lord Palmerston, entre autres une convention relative à la traite des noirs. M. Guizot ne s’est pas empressé de la signer ; il a bien fait. Probablement l’affaire va être reprise avec le nouveau cabinet.

La situation de la Syrie est loin d’être régulière. Les troupes anglaises n’ont pas complètement évacué le pays, et d’ailleurs les consuls des puissances européennes qui ont signé le traité du 15 juillet se donnent en Syrie des airs de maîtres, ils se mêlent de l’administration et veulent décider de toutes