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celsis. L’autel, de bois de chêne sculpté, imite fort exactement le style gothique. Il serait à désirer que les églises de cette époque qui se trouvent à Paris fussent toutes ornées et restaurées dans ce goût. Ce serait pour nos jeunes artistes peintres et statuaires une meilleure occupation que ces tableaux de sainteté faits au hasard, dont le ministère se croit obligé d’acheter tous les ans quelques douzaines, qui vont s’ensevelir dans des églises obscures et perdues, où personne ne les voit, excepté Dieu.

M. Roger a peint, dans l’église Notre-Dame-de-Lorette, une chapelle baptismale découverte depuis quelque temps déjà, à qui la plupart de ces observations pourraient s’adresser. Seulement M. Roger s’est adonné plus spécialement à l’imitation bysantine. Ses peintures sont assurément, malgré leurs défauts, les meilleures que l’on ait exécutées à Notre-Dame-de-Lorette, cette église boudoir qui se ressent du voisinage de l’Opéra. — Certainement l’on doit chercher dans les peintures murales destinées à l’ornement des églises la simplicité d’aspect, la sobriété de ton, la symétrie de composition, la naïveté de sentiment des anciens maîtres catholiques, mais cependant dans une proportion prudente, car l’on ne peut revenir sur un progrès acquis, et, quoi, qu’en puissent dire les Allemands esthétiques, la peinture n’a pas rétrogradé depuis Bizzamano et Fra da Fiesole.

À Saint-Germain-l’Auxerrois, M. Mottez a fait un essai de fresque d’après la méthode de Giotto et de Cimabué, qu’il a retrouvée dans de vieux manuscrits. Cet essai, où l’on doit tenir compte à l’artiste de la difficulté de peindre par un procédé tombé en désuétude est des plus satisfaisans. Le Père éternel, vêtu d’une dalmatique à ramages splendides, remplit, avec l’auréole qui l’entoure, le haut de la composition. La sainte Vierge est placée plus bas, et accueille d’un air affable saint Martin, vêtu d’une moitié de manteau, et la veuve de l’Écriture qui a si généreusement donné son denier. En bas, l’on voit le Christ de face, avec un regard ferme et presque menaçant, qui montre des groupes de malheureux à secourir. — Un tronc pour les pauvres, exécuté en mosaïque par Mme Mottez, explique le sens et le but de cette fresque, sorte d’apothéose de l’aumône.

M. Lépaulle, que l’on ne connaissait jusqu’ici que par des portraits agréables et d’un joli sentiment de couleur, vient d’aborder la grande peinture à Saint-Merry, par un tableau sur muraille représentant François de Paule, esclave en Afrique, et convertissant son maître. Sans doute il y a beaucoup à reprendre dans cette œuvre, mais plusieurs morceaux d’un coloris étudié et fin font passer sur le manque