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et les travailleurs aux spéculations sordides des capitalistes. Il faut travailler sous peine de mourir ; il faut travailler à un prix dont une lutte incessante nécessite et légitime peut-être l’abaissement, mais sans rendre cet abaissement moins déplorable ; c’est alors à qui aura moins de besoins à satisfaire, moins de devoirs à remplir, à qui sera chargé du poids de moins d’affections, car le célibataire pourra supporter sans trop de souffrances des conditions qui seront un arrêt de mort pour l’époux et pour le père. Combien les problèmes ne se pressent-ils pas et les solutions ne deviennent-elles pas plus obscures, lorsqu’on envisage la rivalité des nations condamnées à se constituer conquérantes parce qu’elles sont productrices, et rentrant, par les nécessités les plus impérieuses de leur régime économique, dans ces voies de la force et de la barbarie militaire dont le génie contemporain s’attache à les écarter ! Quoi d’étonnant si, en présence de tant de douleurs, des esprits hardis s’efforcent de régulariser cette anarchie et d’organiser ce qui leur apparaît comme un chaos ? L’intervention de l’état entre les chefs d’ateliers et les travailleurs ; la limitation de la liberté du travail opérée comme celle de la liberté politique elle-même, dans un haut intérêt social ; la sollicitude de la puissance publique appelée à proportionner la production aux besoins et aux débouchés, pour prévenir, par une intervention éclairée, des déceptions et des désastres ; enfin le droit international réglant et limitant la concurrence des forces industrielles, comme il limite déjà celle des forces militaires, ce sont là des idées qui m’ont rien d’étrange en elles-mêmes, mais qu’il est au moins fort singulier de voir répandues en Europe, par les publicistes de l’école républicaine, comme la conséquence extrême de leurs principes.

Il n’est pas un écrit émané des hommes de quelque valeur dans ce parti où cet ordre d’idées ne se produise, et dans lequel vous n’aperceviez des efforts visibles pour transformer l’élément politique par l’élément industriel. La guerre à la concurrence est un mot d’ordre aussi accrédité aujourd’hui dans les rangs du parti démocratique que la guerre aux priviléges lors du mouvement de 89, et le bon marché est devenu l’idée la plus antipathique à une école qui ne prévoyait pas à coup sûr, il y a dix ans, où la conduiraient et des déceptions nombreuses, et les faits nouveaux dont elle s’efforce de s’emparer pour se refaire une popularité perdue.

« Le bon marché, dit l’auteur de l’un des travaux les plus remarquables qu’elle ait produits, le bon marché, voilà le grand mot dans