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gleterre soutint vivement M. d’Armansperg, qui, soumis d’ailleurs à ses volontés, avait à ses yeux le double mérite de ruiner le pays et de l’énerver. La France travailla à l’expulsion des Bavarois et à l’établissement d’un gouvernement national et régulier. C’est alors que lord Palmerston dénonçait naïvement à M. de Metternich M. de Broglie, coupable de vouloir introduire en Grèce quelques principes libéraux et une espèce de constitution.

À cette époque, la France, liée au parti national et constitutionnel, tenait en Grèce le haut du pavé, et luttait avec succès contre l’Angleterre et la Russie. Malheureusement, là comme ailleurs, sa politique devint, vers 1836, incertaine, chancelante, inerte. L’Angleterre s’en aperçut, et, aussitôt après la mort de M. d’Armansperg, on la vit faire soudainement volte-face et passer d’un absolutisme sans ménagement à un libéralisme sans mesure. Deux ans auparavant, elle déclarait la Grèce incapable de supporter les institutions modérées dont la France avait pris l’initiative. Dans sa nouvelle ardeur, ces institutions ne lui parurent plus suffisantes, et ce fut pour une constitution radicale qu’elle prit parti, pour une constitution plus propre à créer l’anarchie que la véritable liberté. Il est aisé de deviner pourquoi, et l’on comprend qu’en se conduisant ainsi, l’Angleterre restait fidèle à sa pensée primitive.

Quoi qu’il en soit, depuis 1837, il est constant qu’en Grèce aussi la France a disparu, et que l’influence s’y partage exclusivement entre la Russie et l’Angleterre. La Russie a toujours son ancien parti, celui qui l’a servie et qui la sert encore avec beaucoup de dévouement et de zèle. L’Angleterre a le sien, et de plus une portion du nôtre, qu’elle a su nous enlever en se faisant ultra-constitutionnelle. Ce n’est pas que les patriotes grecs ne sachent très bien quels sont leurs véritables amis. Avec la vive et pénétrante intelligence qui caractérise leur nation, ils devinent facilement les vues de la Russie et de l’Angleterre, et ils comprennent que la France seule leur veut du bien. Mais comment compter sur un gouvernement qui ne fait rien, qui ne dit rien, qu’on ne voit et qu’on n’entend nulle part ? Toujours présentes, toujours actives, l’Angleterre et la Russie, au contraire, offrent à leurs amis un point d’appui solide et méritent d’être soutenues par eux.

Depuis quelque temps, au reste, il faut reconnaître que le gouvernement français a fait, en Grèce comme en Suisse, quelques louables efforts pour recouvrer un ascendant perdu. Malgré l’Angleterre, il a réussi à prévenir toute explosion violente et à réorganiser obscuré-