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funeste contre lequel la politique française avait toujours protesté. Le 12 juillet, la France n’avait rien accepté, rien promis, rien garanti, et des évènemens nouveaux, quels qu’ils fussent, l’auraient trouvée maîtresse de son langage et libre de ses actions ; le 14 juillet, tout était changé pour elle, et, au lieu de briser le cercle de fer de M. de Lamartine, elle venait de s’y emprisonner. Tel est le véritable résultat de la convention du 13 juillet, le résultat qui fait entonner chaque jour aux feuilles anglaises et allemandes un chant d’allégresse et de triomphe. « Tout s’est accompli, disent-elles, comme on l’avait annoncé, et l’Europe a prouvé que, quand elle veut se passer de la France, elle le peut sans danger. Désormais d’ailleurs le statu quo oriental, tel que l’a réglé le 15 juillet, est pour tout le monde un point de départ reconnu et consacré. Si quelque nouvelle collision éclate, c’est là ce que les cinq puissances auront à conserver. » Et après nous avoir fait ainsi sentir tout le poids de notre situation, on ne souffre pas même que nous nous fassions un instant d’illusion. « Certaines feuilles françaises, dit avec une superbe impertinence le journal de lord Palmerston, prétendent voir dans la convention du 13 juillet un succès et un sujet d’orgueil pour la France. Ces feuilles devraient se souvenir que la France a fait des remontrances contre le traité de juillet, qu’elle a armé, qu’elle a crié, et qu’elle n’a rien fait de plus. Aujourd’hui, elle se présente, accepte les faits accomplis, et s’efforce d’entrer dans le char de la sainte-alliance. C’est bien ; mais ce qu’un ministre de France aurait de mieux à faire dans une telle situation ce serait de se taire. »

Voilà pour moi et, je le crois sincèrement, pour le pays, le grand côté de la question. Dans d’autres temps, le protocole du 13 juillet eût été silencieusement s’ensevelir dans le même oubli que tant d’autres protocoles non moins insignifians et vains. Aujourd’hui il a un sens et un sens désastreux. C’est, pour tout dire en un mot, la reconnaissance pure et simple de tout ce qui s’est fait depuis un an sans nous et contre nous. Ainsi s’accomplit, en sens inverse, la condition que les adversaires les plus décidés de la politique d’isolement croyaient eux-mêmes devoir mettre à l’abandon de cette politique. Ils demandaient que l’Europe fît à la France une concession notable : la France fait une concession immense à l’Europe. Ils demandaient que la France rentrât dans le concert européen, drapeau levé : la France rentre dans le concert européen en s’abritant sous le drapeau ennemi.

Est-il vrai maintenant qu’à défaut d’avantage direct, la convention