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manité ; parlez de l’indépendance, de l’émancipation de la Syrie, de la liberté des mers du Levant, de la neutralisation des passages ; vous serez entendus, n’en doutez pas, ou vous resterez dans une attitude qui fera hésiter ou reculer l’Europe. »

Pour compléter cet exposé, je n’ai plus qu’un fait à rappeler. Lors de la discussion des fonds secrets, c’est-à-dire trois mois après le vote de l’adresse, le vent avait tourné non dans la chambre, mais dans le cabinet, et déjà, comme on l’a su depuis, le ministère était décidé à rentrer dans le concert européen. C’est alors que la commission fit, par l’organe de M. Jouffroy, un rapport où, tout en déclarant que « l’intérêt de la France, d’accord avec sa fierté, devait lui faire une loi de ne pas sortir légèrement de l’isolement, » elle indiquait timidement et vaguement les avantages d’une politique européenne. À travers l’obscurité des expressions, la chambre entrevit le but vers lequel on la menait, et aussitôt de tous les bancs partit une protestation si générale, si énergique, que, pour conserver la majorité, le ministère fut obligé de désavouer implicitement la commission. Pas une voix d’ailleurs ne s’éleva pour la soutenir, et l’on doit se souvenir qu’elle s’en plaignit amèrement.

En présence de ces citations et de ces faits, il ne peut rester aucune incertitude sur l’opinion de la majorité de la chambre pendant la dernière session, et sur sa politique. Pour la majorité, la note du 8 octobre était un minimum dont la France, dans aucun cas, ne devait se départir. L’isolement était une situation digne, forte, avantageuse, qui, bien exploitée et bien tenue, selon l’expression de M. Jouffroy, devait à la longue amener les plus utiles résultats. Quelques membres de la majorité pourtant ne se refusaient pas, d’une manière absolue, à sortir de cet isolement ; mais ce ne devait être, selon l’expression de M. de Lamartine, qu’en brisant le cercle de fer du traité de juillet moyennant de notables concessions faites par l’Europe à la France, et le drapeau levé. Pour tout dire en un mot, la chambre et le ministère avaient alors pris envers le pays deux engagemens : l’un absolu, celui de faire respecter la note du 8 octobre dans son esprit et dans sa lettre ; l’autre relatif, celui de persister dans l’isolement, tant que les puissances coalisées n’offriraient pas à la France des conditions beaucoup plus favorables que la note. C’était entre la politique qu’on a appelée belliqueuse, et la politique qu’on a appelée de la paix à tout prix, un degré intermédiaire et une sorte de compromis.

J’insiste sur ce point parce que, dans les derniers temps, on a