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lementaires de la France et de l’Angleterre. Sans remonter plus loin, l’Angleterre nous en offre dans ce moment un exemple des plus frappans. Il y a peu d’années que le règne des tories semblait passé à tout jamais : on était enclin à penser que, suivant la pente naturelle des choses et la tendance générale du temps, les opinions de ce parti perdraient tous les jours de leurs adhérens, que le principe libéral et progressif se propagerait de plus en plus dans la vieille Angleterre et minerait à fond l’édifice de l’ancienne aristocratie. Que voyons-nous aujourd’hui ? Les tories au pouvoir (ils y seront légalement sous peu de jours), et cela par une victoire électorale des plus éclatantes, par une victoire qui, prédite il y a deux ou trois ans, aurait été regardée comme le rêve d’un fou. Sans doute, les tories ont manœuvré avec une rare habileté ; ils ne sont pas moins redevables de leur triomphe aux erreurs des whigs.

Plus encore que leur habileté, ce sont les fautes de leurs adversaires qui préparent tour à tour le triomphe des divers partis. Ce fait se renouvellera toujours ; car, si les connaissances augmentent, les passions restent les mêmes, et les caractères ne se modifient guère. L’erreur serait de croire que les chances électorales puissent tourner au profit de tout parti quelconque. C’est là l’illusion des partis extrêmes. Expression du pays, les colléges électoraux, dans leurs fluctuations, ne dépassent pas certaines bornes. Le pays a ses opinions arrêtées, ses dogmes politiques. Là est la limite. C’est pour l’avoir méconnue que la restauration a commis les fautes qui l’ont renversée ; c’est parce qu’ils la méconnaissent que les partis extrêmes, en France et en Angleterre, se flattent vainement de l’espoir de triompher un jour dans la majorité des colléges électoraux. Mais, dans les limites que la volonté nationale impose au jeu des partis, les fluctuations sont possibles et jusqu’à un certain point inévitables.

Ce qui est arrivé en France et en Angleterre arrivera plus facilement encore en Espagne. Il n’y a dans ces paroles aucune pensée de satire contre le peuple espagnol. Nous voulons seulement dire que, lorsqu’un pays est encore en révolution, les opinions générales y sont moins arrêtées que dans un pays qui s’est déjà assis sur des bases nouvelles ; et si, dans le pays en révolution, un des nombreux partis qui le divisent s’empare du pouvoir, il est presque impossible que, harcelé par ses adversaires, plein de méfiance et de soupçons, irrité de sa propre faiblesse, ce parti ne commette pas les fautes les plus graves. Dès-lors il est à la merci de ses ennemis, et succombe pour peu que ses adversaires sachent tirer parti des circonstances.

En attendant, une dépêche télégraphique annonce que Palafox a quitté le commandement général de la garde royale. Le vieux soldat, le duc de Saragosse, n’a pas voulu se résigner à la mutilation de l’armée qu’il commandait. C’est là du moins ce qu’on peut conjecturer, car la nouvelle n’est jusqu’ici accompagnée d’aucun commentaire.

Toujours est-il que si on ajoute à ces graves circonstances la lutte avec