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d’agir sur les électeurs. Si les députés faisaient des réductions au budget, on trouvait dans les articles de Francfort plus d’un prétexte légal pour ne pas tenir compte de ces réductions ; s’ils allaient jusqu’au refus de l’impôt, ils provoquaient l’intervention des baïonnettes fédérales. Tout cela rendait la lutte trop inégale pour qu’elle pût se prolonger beaucoup, et surtout avoir des résultats sérieux. Néanmoins elle fut assez vive, spécialement en Wurtemberg, dans le pays de Bade et dans les deux Hesses. Les orateurs de l’opposition firent d’éloquens discours ; des motions et des adresses contre les résolutions fédérales furent votées par des majorités considérables ; un ministre même fut mis en accusation[1]. Les gouvernemens, de leur côté, repoussèrent ces adresses, en empêchèrent l’impression, prononcèrent la dissolution des chambres récalcitrantes[2], travaillèrent les élections, et finirent par obtenir des majorités sinon dociles, au moins résignées.

On voit, par ce que nous venons de dire, que les décrets de Francfort atteignirent complètement leur but : le système monarchique reprit son ascendant, un moment ébranlé par la commotion de 1830 ; les résistances constitutionnelles réduites à l’impuissance allèrent s’affaiblissant de jour en jour ; enfin l’Allemagne, désabusée une seconde fois de ses espérances de régénération politique, rentra dans ses habitudes de soumission et d’obéissance, et reprit le cours à peine interrompu de ses travaux intellectuels et scientifiques. Du reste, toutes les précautions furent prises pour la retenir confinée dans cette sphère, la seule où toute liberté lui fût laissée ; car la diète et

    de la chambre élective les fonctionnaires publics, soit directement, soit indirectement, en leur refusant le congé nécessaire pour prendre part aux travaux législatifs. Il faut savoir que, dans les états de l’Allemagne constitutionnelle, ce sont presque toujours des fonctionnaires qui sont chefs de l’opposition ; ainsi les professeurs de Rotteck et Welcker dans le pays de Bade, Jordan en Hesse, etc. C’est que la condition des serviteurs de l’état (Staatsdiener) est tout autre en Allemagne qu’en France. La députation n’y est pas considérée comme un moyen de parvenir, et elle ne peut pas l’être, parce que les lois ne permettent guère d’intervertir par des tours de faveur l’ordre de la hiérarchie administrative et judiciaire. En outre, la position des fonctionnaires publics est entourée d’une foule de garanties qui les mettent à l’abri d’une destitution arbitraire. De là vient leur indépendance à l’égard du pouvoir, et l’importance du droit qu’a le gouvernement de les exclure.

  1. Cela eut lieu dans la Hesse-Électorale. Le ministre Hasenpflug fut mis en accusation, et acquitté à la majorité d’une voix par le tribunal auquel la constitution du pays défère le jugement des fonctionnaires publics.
  2. Dans la Hesse-Électorale et dans le grand-duché de Hesse-Darmstadt, il y eut deux dissolutions coup sur coup.