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naient à leurs confrères de France, et ils appelèrent de tous leurs vœux le moment où eux aussi pourraient élever leurs constitutions au niveau de la charte française et se poser en égaux, sinon en maîtres, vis-à-vis des gouvernemens et de l’aristocratie. Quant au peuple, quoiqu’il ne lût pas les journaux étrangers et qu’il s’occupât peu de théories politiques, les partisans des innovations pouvaient cependant compter sur son appui en plusieurs lieux où des souffrances réelles entretenaient chez lui le mécontentement et l’irritation. Dans quelques pays, la mauvaise administration, l’incurie poussée à l’extrême, le maintien de tout un attirail de vieux abus, imposaient aux sujets des charges hors de proportion avec leurs ressources, et rendaient leur condition très pénible. À ces griefs s’ajoutait parfois la conduite de princes extravagans ou scandaleux qui concluaient apparemment des théories ultra-monarchiques de la diète, que la plénitude de la souveraineté consistait à ne respecter aucun droit ni aucune convenance. Tous ces élémens de perturbation n’attendaient qu’un moment favorable pour se produire au dehors, et nous les verrons figurer ensemble ou séparément dans les mouvemens dont la révolution de juillet donna le signal. Ce fut le peuple qui commença. Le mois de septembre 1830 vit éclater des insurrections sur plusieurs points de l’Allemagne. Quelques-unes furent réprimées : trois eurent pour résultat des révolutions sur le modèle de celle de juillet, c’est-à-dire le changement de la personne du souverain et celui de la constitution du pays.

La première eut lieu dans le duché de Brunswick. Ce petit état, après avoir fait partie du royaume de Westphalie, avait été rendu en 1813 à son souverain légitime, lequel fut tué en Belgique pendant la guerre de 1815. Son fils mineur resta sous la tutelle du roi d’Angleterre, qui rétablit l’ancienne constitution d’états territoriaux, et administra, du reste, avec sagesse et modération, par l’intermédiaire du ministre Schmidt Phiseldeck. En 1823, le jeune duc Charles, ayant accompli sa dix-neuvième année, prit en main le gouvernement, et l’on vit se succéder chaque jour les actes les plus arbitraires et les scènes les plus scandaleuses. Il lança des écrits injurieux contre le roi d’Angleterre qu’il accusait d’avoir conservé la tutelle au-delà du terme légal, ne voulut pas reconnaître ce qui s’était fait pendant sa minorité, renversa la constitution, dilapida les biens de l’état pour grossir son trésor privé, mit au-dessus des lois et des tribunaux quelques misérables dont il avait fait les instrumens de son despotisme, et persécuta avec acharnement des hommes respectables qui refu-