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LES GAULOIS EN ASIE.

présentes, ne s’est jamais manifestée que par des actes négatifs. Suspendre les hostilités, arrêter Méhémet-Ali, fermer les détroits aux navires de guerre, sont des mesures qui seraient peut-être utiles à la Porte, si on pouvait en même temps lui communiquer un peu de cette activité occidentale, dont elle a à peine l’idée, d’une part en établissant des rapports plus fréquens et plus faciles entre les Européens et les Orientaux, d’autre part en améliorant la condition des rayas.

Cette idée d’élever les rayas au même rang que les Turcs, d’abolir les distinctions outrageantes et d’en faire, en un mot, des sujets jouissant des mêmes priviléges et supportant les mêmes charges que les musulmans, a été long-temps méditée par le sultan Mahmoud. Il avait ordonné un recensement extraordinaire qui s’est effectué dans tout l’empire, et qui a duré plusieurs années. Une des grandes oppositions qu’il rencontrait dans son conseil était l’abolition du karatch, attendu que le paiement de la capitation est ordonné par le Koran pour les sujets qui ne suivent pas la loi de l’islamisme, et les oulémas avaient formé une ligue devant laquelle la volonté du sultan aurait été forcée de fléchir. Néanmoins, pendant son règne, les sujets chrétiens ont éprouvé une amélioration sensible dans leur position ; beaucoup de villes qui n’avaient pas d’églises ont obtenu des firmans pour en faire construire ; tout cela s’accordait encore à prix d’argent, il est vrai, mais c’était un droit qui se créait et qu’un gouverneur fanatique n’aurait pu contester.

La seule ressource assurée que trouvent aujourd’hui les rayas pour se mettre à l’abri des vexations de leurs gouverneurs est de rechercher la protection de quelque puissance européenne : les rayas ont alors recours aux consuls pour défendre leurs intérêts. Ce moyen d’action et d’influence n’a pas été négligé par la Russie et par l’Angleterre, et le nombre des protégés de ces deux nations augmente chaque jour en Asie. On compte même déjà parmi ces protégés un grand nombre de rayas que des rapports de religion et d’anciennes sympathies recommandent naturellement à la protection de la France.

Il est fâcheux que le gouvernement français, au lieu de suivre la marche des autres gouvernemens, ait au contraire donné des ordres pour que le nombre des protégés fût restreint autant que possible ; ainsi, les catholiques, qui, de temps immémorial, ont été les protégés naturels de la France, ont eu à supporter récemment des dommages notables de la part des chrétiens des autres communions, qui trouvent un appui près des puissances non catholiques. Ces