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des brebis, et non pas de la couper (de là le mot vellera) ; c’est sans doute à cause de cette habitude cruelle et malsaine que l’on était obligé d’appliquer une apozème sur les brebis fraîchement tondues. Mais il paraît que cette habitude n’était pas générale en Galatie, car Varron en a fait la remarque[1].

La toison des brebis, soit naturelle, soit travaillée, servait de vêtement aux bergers gaulois. Varron les représente vêtus du diphtère ou peau de brebis. Les diphtères les plus fins étaient en peaux de chèvres. Ce vêtement est encore usité dans la Bretagne et dans les Landes. Ce sont deux peaux de chèvres cousues, formant une espèce de sagum ou sac avec des orifices pour passer la tête et les bras. On voit encore aujourd’hui le berger galate vêtu de la sorte, et portant le pedum ou bâton recourbé qui sert à arrêter la brebis lorsqu’on veut la traire. Une tunique de coton ou de laine blanche lui descend jusqu’à mi-jambe, et le pied est revêtu d’une peau de chèvre attachée avec des courroies. Mais on ne voit plus ces cheveux d’un blond ardent qui donnaient aux Gaulois un air si redoutable. L’usage si général de se raser la tête[2] a prévalu chez les Asiatiques, de quelque religion qu’ils soient. Sans chercher à se faire illusion, on reconnaît quelquefois, surtout parmi les pasteurs, des types qui se rapportent merveilleusement à certaines races de nos provinces de France. On voit plus de cheveux blonds en Galatie qu’en aucun autre royaume de l’Asie mineure ; les têtes carrées et les yeux bleus rappellent le caractère de populations de l’ouest de la France. Cette race de pasteurs est répandue dans les villages et les yaëla (camps de nomades) des environs de la métropole.

Les troupeaux de brebis ne forment qu’une minime partie de la richesse du pays ; les chèvres à long poil, célèbres déjà dans l’antiquité, sont une source de revenu bien plus considérable. Varron parle certainement des chèvres d’Angora lorsqu’il dit : « En Phrygie (la Galatie et un démembrement de la Phrygie), les chèvres ont des poils très longs, et au lieu d’arracher leur toison, on est dans l’usage de les tondre. C’est de la Phrygie qu’on nous apporte les cilices et autres tissus de ce genre faits de poils de chèvres tondues. Les cilices étaient des manteaux et des tuniques de laine qui, dans le

  1. Varron. ap. Dureau de la Malle. Économie politique des Romains.
  2. Usage qui n’est pas d’origine musulmane, car on voit en Lycie des bas-reliefs très antiques représentant des figures avec la tête rasée et la houppe de cheveux sur le sommet du crâne.