Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/562

Cette page a été validée par deux contributeurs.
558
REVUE DES DEUX MONDES.

de voler comme un aigle, ce qui ne fut jamais un tort pour personne ; mais M. de Rességuier appartient à l’école de la rime quand même, et, dût la fille bien-aimée de Despréaux, dût la raison en gémir quelque peu, il faut que la rime soit satisfaite.

Nous ne parlerons pas de ces pièces curieusement élaborées dont abonde le volume de M. Émile Deschamps ; nous venons d’en faire le procès. Nous aimons mieux insister sur un genre trop négligé parmi nous, genre spirituel, aimable, ingénieux, et que l’auteur des Études traite en véritable poète français du XVIIIe siècle. Nous voulons parler de l’épître familière, de cette poésie moitié madrigal et moitié chanson où M. Émile Deschamps excelle. C’est plaisir de voir ici comme sa verve s’éparpille, comme tous ses petits mots jetés en pointe, tous ses traits, font merveille, comme le papillotage, autre part irritant, de cet esprit à facettes convient cette fois et réussit. Les Étrennes, la Première page d’un Album et la Châtelaine (cette dernière pièce un peu trop précieuse et sentant de loin sa chevalerie), peuvent passer pour de petits chefs-d’œuvre dans ce genre ; on souhaiterait seulement çà et là plus de tempérance et de goût. Ainsi, dans le Souvenir du Dauphiné, je supprimerais ces vers par trop naturels et qui déparent :

Un long suif à la main, aux pieds une semelle
Qui compte chaque marche en grimpant l’escalier,
..................
Cette Quasimodo femelle,
Enfin nous conduit aux dortoirs,
Bouge informe et crasseux comme elle.

Quand Mathurin Régnier s’égare dans Macette en des détails semblables et pis encore, Mathurin Régnier fait en satirique profond, en poète qui tranche hardiment dans le vif, va au cœur de son sujet et ne recule devant rien, pas même devant l’ignoble, car il en sait extraire le beau à sa manière. Or, tel ici n’est plus le cas, et des trivialités oiseuses comme celles que nous venons de citer vous choquent au milieu de ces vers tout d’ambre et de musc. — On prétend que M. Émile Deschamps a écrit un bon nombre de morceaux dans ce genre et qu’il s’obstine à les tenir en réserve. Pourquoi, à une prochaine édition, son volume ne s’augmenterait-il pas de ces pièces, ainsi que de la préface de 1828 ? Si l’espace manquait, on en serait quitte pour supprimer les Lieder de Schubert, et l’ouvrage y gagnerait de toute façon. M. Émile Deschamps dit, dans son avant-propos, qu’il vaut mieux ressembler à son père qu’à son voisin ; nous parta-