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PHILOSOPHES ET PUBLICISTES MODERNES.

nance de M. Ancelot ; et cela rendait plus périlleuse pour lui, par les antipathies qu’il lui fallait vaincre, et les suffrages qu’il avait à justifier, l’épreuve solennelle de la séance publique. Ces séances, après tout, quoiqu’elles aient bien souvent un côté ridicule, sont une bonne institution, et on en aperçoit surtout les avantages quand les choix qui ont été faits sont universellement blâmés. Si les quarante ont raison contre le public, c’est une belle occasion pour l’élu, entouré de tant d’hommes illustres qui le patronnent et le favorisent, de détruire des préventions injustes ; et, si d’aventure l’Académie pouvait se tromper, cette exhibition publique du candidat qu’elle a préféré serait une sorte de compensation pour un mauvais choix.

Quelle ample matière offrait à M. Ancelot l’éloge historique de M. de Bonald ! Une vie mêlée à tous nos orages, une participation presque continue à la polémique des journaux pendant toute la restauration, une philosophie qui remonte aux premiers principes de la connaissance humaine et s’étend jusqu’aux dernières applications de la morale et de la politique. Si les études et les goûts de M. Ancelot ne le rendaient pas propre à juger la philosophie de M. de Bonald, il pouvait du moins l’exposer en bon style, et dire simplement, modestement, son avis sur ces grandes questions. Les titres même au nom desquels il se présentait, lui faisaient un devoir de cette modestie. Il est vrai qu’à la séance publique, en répondant au nouvel académicien, M. Briffaut a prétendu que « de M. de Bonald à M. Ancelot la transition n’était pas aussi difficile qu’elle le paraissait au premier coup d’œil. » Mais le digne président n’a peut-être eu recours à ce paradoxe assez étrange qu’après des recherches infructueuses, et pour nier par un beau mouvement oratoire la difficulté qu’il n’espérait plus de pouvoir résoudre. Le moyen, en effet, d’accepter sérieusement la raison qu’il en a donnée, que les vaudevilles de M. Ancelot sont les meilleurs commentaires des œuvres de M. de Bonald ! Les doctrines de M. de Bonald sont si claires, qu’elles n’ont pas besoin d’être commentées ; et, s’il fallait à toute force leur assigner un commentaire, on n’a qu’à le chercher dans la plupart des lois de la restauration, dans la loi du sacrilége, par exemple, ou bien encore dans les ordonnances de juillet. Cela ne ressemble guère à des vaudevilles. M. Ancelot, en prenant pour lui et en exposant avec enthousiasme les théories de M. de Bonald, a manqué de tact et n’a pas choisi le rôle qui lui convenait. Au lieu d’un éloge historique, il a fait une oraison funèbre ; au lieu d’un discours académique, c’est un sermon qu’il nous a donné. Il en avait le débit et le style ;