Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/512

Cette page a été validée par deux contributeurs.
508
REVUE DES DEUX MONDES.

donnerait naissance à d’inextricables difficultés. Les douanes seront toujours pour nous une branche importante de nos impôts ; ceux-là même qui demandent la liberté commerciale n’entendent pas tarir cette source de revenus, et offrir ainsi à l’étranger sur notre marché une condition meilleure peut-être que celle du producteur national. Il se peut, en effet, que celui-ci supporte des charges plus fortes que le premier. D’un autre côté, un droit de douane modéré, à l’égard surtout de certaines marchandises, est un impôt équitable, facile à percevoir et qui ne frappe point le revenu nécessaire du travailleur. Enfin, nous ne pouvons pas oublier que nos lignes de douane protégent aussi nos monopoles publics ; celui du tabac surtout réunit toutes les conditions d’un excellent impôt, et fait entrer dans le trésor 70 millions par an, peut-être 80 dans peu d’années. Ce ne sont pas là des ressources qu’on puisse compromettre ; il serait heureux au contraire de pouvoir ajouter au monopole du tabac quelque autre monopole de même nature et également productif, ce qui nous donnerait les moyens d’alléger les contributions des classes les moins fortunées.

Il serait facile d’ajouter à ces considérations d’autres considérations non moins importantes, de signaler d’autres difficultés non moins graves. Encore une fois cependant, ces remarques ne sont pas faites dans le but de repousser toute négociation, de blâmer sans connaissance de cause tout projet d’association. Si la proposition est sérieuse, qu’on la prenne en considération, qu’on l’examine, qu’on la discute ; rien de plus juste. Nous voulons bien que le gouvernement se mette au-dessus des clameurs qu’elle doit nécessairement exciter ; mais nous voudrions aussi que, par le désir d’accomplir un grand acte et de faire parler de soi, il ne se livrât pas à des entraînemens dangereux. C’est dans ces matières délicates, épineuses, et dont peu de personnes ont une connaissance approfondie, qu’il est difficile de trouver le juste milieu entre l’audace et la timidité. En général, nos négociateurs ne sont pas très heureux (employons l’expression la plus douce) dans celles de nos transactions diplomatiques qui ont trait à nos intérêts industriels et commerciaux. C’est qu’il faudrait pour cela savoir autre chose que ce qu’on apprend dans les cartons des bureaux diplomatiques. Et puis voyez comme on traite chez nous les affaires qui concernent notre commerce extérieur. Qui ne s’en mêle pas ? Le ministère de la marine, le ministère du commerce, le ministère des finances, le ministère des affaires étrangères, chacun a sa part à défendre, son mot à dire, et de tant de langages différens, il n’en résulte le plus souvent que confusion et désordre.


V. de Mars.