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cœur, et lorsqu’il leur était moralement impossible de retirer la promesse qu’ils avaient faite à l’Autriche et à la Prusse.

Quant à la France, nous ne reviendrons pas sur une question désormais épuisée. Nous ne sommes pas de ceux qui trouvent le traité important par ses stipulations directes, et moins encore de ceux qui blâment l’isolement où la France s’était placée lors de la rupture de l’alliance anglo-française par le fait de l’Angleterre. Ajoutons que si rien de grave n’était survenu en Orient, si l’empire ottoman n’était pas menacé d’une catastrophe, l’isolement pouvait se prolonger sans inconvénient, peut-être même avec plus de dignité.

Nous ne savons pas quel a été le motif décisif pour le cabinet ; nous ne savons si la pensée de rentrer dans le concert européen a été pour lui une pensée dominante dès le premier jour de son existence. Ce sont là des points que les discussions des chambres pourront seules éclaircir.

Mais en présence des faits nouveaux, la question parlementaire se placera tout naturellement sur un autre terrain. Les amis du cabinet demanderont si, lorsque les instances de la Prusse et de l’Autriche étaient pressantes et se rattachaient à des vues politiques, relativement à l’Orient, conformes à l’intérêt français, ce n’eût pas été assumer une immense responsabilité que de repousser ces avances. Rester dans l’isolement, diront-ils, c’eût été déterminer entre les quatre puissances la signature d’un nouveau traité plus étroit, plus intime ; c’eût été renoncer, pour la question d’Orient, à l’appui que la Prusse et l’Autriche peuvent donner à la politique désintéressée de la France. L’isolement, pourra-t-on répondre, était toujours possible à la France, possible avec honneur, avec grandeur, mais à une condition, c’est que la catastrophe arrivant, si un accord des quatre puissances déplaisant pour nous était dans l’un des bassins de la balance, la France, à l’instant même, aurait jeté dans l’autre bassin son épée. Évidemment les faits qui pourront se développer d’ici à la session prochaine auront une grande influence sur l’issue d’un pareil débat. Nous concevons les craintes et les espérances du cabinet ; ses craintes pouvaient être fondées : quant aux espérances, Dieu veuille que l’avenir les instille, et que l’Autriche et la Prusse n’oublient pas les dangers de la politique aventureuse du 15 juillet. Elles ne rendraient pas seulement la position du cabinet très difficile ; elles troubleraient profondément la paix du monde.

L’Espagne suit la marche qu’il était facile de prévoir. Le parti modéré disserte, et la révolution gouverne. Elle avait l’appui moral de l’Angleterre ; mais les Anglais, tout en encourageant les exaltés, veulent inonder l’Espagne de leurs denrées ; ils font la contrebande à force ouverte. De là des troubles, des plaintes, des récriminations. Les ouvriers de la Catalogne n’ont pas encore étudié la Richesse des Nations.

En attendant, les cortès préparent la vente des biens du clergé, et viennent d’enlever à la reine Christine la tutelle de ses filles. La reine Christine a protesté. Elle a transmis sa protestation à Espartero, avec une lettre conçue en termes fort sévères. Les deux pièces sont habilement rédigées, bien en-