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LA HOLLANDE.

en espérait, elles furent cependant d’une grande utilité à la Hollande : elles révélèrent la nature d’une contrée lointaine qui pouvait être avantageusement exploitée. Pour un peuple industrieux et persévérant comme le peuple hollandais, toute idée d’un labeur nouveau est une idée féconde qui tôt ou tard porte ses fruits. On ne songea plus à chercher l’introuvable passage du nord, mais on comprit qu’il y avait dans les régions découvertes par Barentz une pêche toute neuve et dont, avec un peu de hardiesse, on ne pouvait manquer de retirer de larges bénéfices. La pêche, disent quelques anciens auteurs, est le Pérou de la Hollande, et Raynal l’appelait son agriculture. Les Hollandais s’en allèrent chercher un nouveau Pérou vers les parages du Spitzberg. Ils avaient déjà été précédés dans cette exploration des régions boréales par les Basques. Dès le XVe siècle, ces intrépides marins avaient lancé leurs bâtimens dans les orageuses mers du nord. Ils s’en allaient jusque sur les côtes d’Islande et de Groënland poursuivre le phoque et la baleine. Plus tard, ils abordèrent au Spitzberg. Un des caps les plus septentrionaux de cette terre de glace porte encore le nom de cap de Biscaye. Les Hollandais, gens sages et précautionneux, prirent d’abord les Basques pour guides et leur confièrent la direction des bâtimens qu’ils expédiaient au nord[1]. Quelques années après, l’aide des Basques était pour eux chose superflue ; ils auraient pu donner eux-mêmes des leçons à leurs rivaux.

La première pêche des Hollandais dans le nord date de 1612. Deux bâtimens partirent cette année-là pour les côtes du Groënland. Leur voyage s’annonçait sous d’heureux auspices. Les phoques, les marsouins, venaient en foule tendre complaisamment le cou au fer aigu qui devait les frapper. Les baleines, arrondissaient paisiblement leur dos au-dessus des vagues comme pour faire place aux harpons. Dans l’espace de quelques semaines, la pêche fut faite, et les deux bâtimens s’en revenaient cap au sud, voile au vent, portant avec joie les beaux poissons qu’ils avaient pris, quand par malheur ils firent rencontre de quelques bâtimens anglais qui les prirent à leur tour et les emmenèrent avec leur cargaison en Angleterre.

Les Anglais, selon leurs louables habitudes d’envahissement, s’étaient depuis quatre ans emparés des mers polaires, du Spitzberg

  1. Dans la requête que les premiers membres de la compagnie du Nord adressèrent aux états-généraux pour obtenir le privilége de la pêche, ils faisaient valoir, entre autres considérations, qu’ils avaient fait venir de France un grand nombre de Basques pour entreprendre cette pêche.