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LA HOLLANDE.

était libre. Ils continuèrent leur route à l’est, et arrivèrent dans une mer bleue, profonde et sans glaces ; ils n’étaient guère qu’à quarante lieues du détroit de Waigatz, et distinguaient très bien une bande de terre qui se prolongeait au sud-est. Alors ils crurent avoir découvert le passage qui aboutissait tout droit au Cathay, et, au lieu de continuer leur exploration, ils se hâtèrent de virer de bord pour aller en Hollande proclamer le résultat de leur voyage.

Pendant ce temps, Barentz avait traversé la mer Blanche, puis il s’était dirigé vers le nord-est. Le 4 juillet, il arriva à la Nouvelle-Zemble, et s’avança jusqu’au 77° 25′ de latitude. Là, il fut arrêté par un amas de glaces qui s’étendait si loin, que, du haut des mâts, on n’en voyait pas la fin. Hors d’état de franchir un tel rempart, il fit une excursion rétrograde, et tenta quelques jours après de s’avancer de nouveau vers le nord ; mais le froid, la neige, les brouillards, fatiguaient et irritaient tellement les matelots, que Barentz fut forcé de retourner en arrière, et de reprendre la route de la Hollande. Au 71° de latitude, il descendit sur une plage qui avait été déjà évidemment visitée par des Européens, car on y trouva une croix, des sacs de seigle, un boulet de canon, trois maisons en bois, des tombeaux renfermant des ossemens humains, et les débris d’un navire naufragé. Barentz donna à ces lieux le nom de Meel haven (port de la farine). Le 26 septembre, il était de retour en Hollande. Comme trophée de son expédition, il rapportait une peau d’ours blanc d’une grandeur démesurée et des dents de morses ; c’étaient là à peu près les seuls animaux qu’il eût rencontré dans le cours de son lointain voyage, et l’aspect des morses avait singulièrement étonné les Hollandais. Un d’entre eux cependant décrivit en termes assez exacts ces habitans monstrueux des mers glaciales : « les walrusses ou vaches de mer sont, dit-il, des monstres marins d’une force terrible, plus grands que des bœufs, et qui ont le cuir plus rude que les chiens marins, avec un poil fort court ; leur mufle ressemble à celui d’un lion ; elles se tiennent presque toujours sur les glaces, et l’on a de la peine à les tuer, à moins que le coup ne donne juste dans le côté de la tête ; elles ont quatre pieds et n’ont point d’oreilles.

« Elle ne font qu’un ou deux petits, et lorsqu’elles sont rencontrées par des pêcheurs sur des glaçons, elles jettent leur petit devant elles dans l’eau, et, le prenant entre leurs jambes de devant, comme entre des bras, elles plongent avec lui et reparaissent diverses fois, et quand elles veulent se venger et attaquer les barques ou se défendre, elles jettent encore leur petit, et vont à la barque avec