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la science et le commerce d’importans résultats. Dans deux de ces expéditions aventureuses, les Cortereal, deux nobles frères, établis en Espagne, mais descendant d’une famille française, découvrirent Terre-Neuve, le Labrador et le Canada. Jacques Cartier, parti en 1534, réclama l’honneur d’avoir découvert le golfe de Saint-Laurent.

Au XVIIe et au XVIIIe siècles, l’espoir de découvrir ce passage si désiré et si problématique éveilla l’ardeur de Hudson, de Baffin, et de plusieurs autres navigateurs anglais. Dans les derniers temps, cet espoir a soutenu, au milieu des plus rudes fatigues et des plus grands dangers, le zèle de Ross et de Parry.

Quiconque s’est jamais aventuré dans les mers du nord a dû sentir battre son cœur à l’idée d’arriver par un dernier effort, ou par un hasard, à la découverte qui depuis plus de trois siècles occupe les physiciens et les géographes. Que de fois n’avons-nous pas fait ce rêve, tandis que notre légère corvette nous emportait vers les limites les plus reculées du Spitzberg, rêve présomptueux dont les vents d’orage se jouaient, et qui allait échouer sur un banc de glace ?

À l’époque où les Hollandais résolurent de chercher un passage au nord, ils avaient plus d’espoir de le trouver qu’il n’est permis d’en avoir aujourd’hui. Il n’y avait eu jusque là pour faire cette découverte que cinq à six tentatives vraiment sérieuses, et qu’est-ce que le hasard de cinq à six tentatives, lorsqu’il s’agit de reculer les bornes de la science et d’ouvrir une nouvelle route au génie de l’humanité ?

En 1594, la société de commerce, connue d’abord sous le nom de société des pays lointains, équipa trois navires qui devaient, aux termes de leurs instructions, tâcher d’arriver en Chine, en faisant le tour de la Norvége, de la Moscovie et de la Tartarie. Un des plus savans cosmographes de l’époque, l’illustre Pontanus, rédigea un mémoire pour démontrer par le raisonnement ce que la carte devait prouver par ses lignes mathématiques.

Les trois bâtimens partirent ensemble du Texel le 5 juin. Le premier était commandé par un marin distingué nommé Barentz, les deux autres par Cornelisz et Ysbrantz ; ceux-ci étaient, dans les premiers jours du mois de juillet, près de Waigatz. Ils arrivèrent en face d’une île couverte de verdure et parsemée de trois ou quatre cents idoles de bois représentant des hommes, des femmes, des enfans, le visage tourné du côté de l’orient. Une barrière de glace, large, haute, infranchissable, les empêchait d’aller plus loin, mais tout à coup cette muraille s’entr’ouvrit, se brisa par morceaux : le passage