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REVUE DES DEUX MONDES.

Je vais dans une maison
Pour m’y chauffer[1] !

Poésie naïve en vérité !

Ce ne sont pas les ornemens qui manquent, selon nous, à cette poésie prétendue, c’est le sens poétique lui-même. Lorsque le bandit des Abruzzes, dans son patois de voleur, nomme la lune le lumignon du saint-là-haut (il mocoloso di sant’ alto), il est poète.

Il y a bien çà et là, dans les strophes informes et grossières que M. Borrow a recueillies, quelques accens qui annoncent la poésie, comme les cris de la passion annoncent la musique. On peut dire, jusqu’à certain point, que c’est de la poésie préparée, ou du moins on peut y reconnaître les matériaux qui auraient pu devenir de la poésie un jour :

Petit enfant, prie le bon Dieu,
Puisque tu es en grace auprès de lui !
Prie-le qu’il donne la paix
À mon cœur troublé[2].

La strophe suivante n’est pas moins touchante. Nous la traduisons en conservant l’inversion du langage zinkali :

Des chagrins, elle en a, ma mère ;
Des chagrins, j’en ai aussi ;
Ceux de ma mère, je les sens,
Les miens, non[3] !

Citons encore cette violente effusion d’une ame enflammée :

Si tu passes par l’église,
Trois années après mon enterrement,
Et que tu cries mon nom,
Mes os répondront[4].

  1. The Zincali, tom. II, pag. 43.
  2. id., tom. II, pag. 1.
  3. Ducas tenela min dai
    Ducas tenelo yo,
    Las de min dai yo siento,
    Las de mangue, no !(Page 32.)

  4. Si pasaras por la cangri,
    Trin berjis despues de mi mular,
    Si araqueras por mi nao,
    Repondiera mi cocal.(Page 32.)