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LES GYPSIES.

Les deux volumes de M. Borrow ne contiennent guère que trois lignes poétiques, charmantes, il est vrai ; elles échappent à toutes les habitudes sauvages, vicieuses et criminelles des bandits que l’auteur étudie. C’est une comparaison orientale, née d’une pensée rêveuse et d’une méditation attentive que le calme et la réflexion reployée sur elle-même ont protégées et nourries. M. Borrow convient qu’il ne sait pas trop si ses chers zinkali en sont les auteurs ; pour nous, nous y retrouvons le caractère arabe dans sa vivacité et sa volupté. Les forgerons zinkali, réfugiés dans une forêt, font tomber en cadence le marteau pesant sur l’enclume qui gémit ; le métal rouge et ductile se plie et se tord comme la cire sous les coups mesurés qui l’assaillent ; le marteau tombe, se relève, retombe encore, et les étincelles jaillissent par milliers autour des cyclopes haletans : « Plus de cent belles filles du feu, dit le passage que nous citons, éclosent ardentes comme roses, puis en un clin d’œil expirent dans une ronde charmante[1]. » C’est de la poésie orientale parée de son prestige le plus vif. Mais les stances véritablement gypsies n’ont pas ce caractère :

On m’a mis dans une cave,
Pour me sauver de la prison.
J’ai dit à ma femme :
Je te laisse l’enfant.

ou bien :

Je n’aime pas la femme
Qui aime l’enfant.
Je vais chez les marchands d’eau-de-vie
Boire tant que je puis[2] !

ou bien encore :

J’ai bien froid ;
J’ai beaucoup de puces ;

  1. L’auteur anglais, en citant les lignes suivantes, que nous traduisons littéralement d’après son glossaire, n’affirme point qu’elles ne soient pas imitées de l’espagnol ou de l’arabe :

    Las muchisBus de gres chabalas orchiris man diqué a yes chiro purelar sistilias sata rujias, y or sisli carjibar dinando trutas discandas.

    Les étincelles — Plus de cent filles beautés je vis à un moment naître enflammées comme roses, et à l’instant mourir donnant rondes agréables.

  2. The Zincali, tom. II, pag. 40.