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LES GYPSIES.

grie, en France, en Italie, en Espagne ; elle a pénétré dans la Grande-Bretagne, toujours fidèle à son idiome, qui constituait le lien mystérieux de la race, toujours pratiquant, comme une science héréditaire, les mêmes fraudes et les mêmes violences qui avaient sans doute provoqué l’expulsion de ses aïeux. On sait que l’esprit de caste avait opéré, chez les Hindous, ce prodige extraordinaire, de rendre indestructible et comme sacrée dans quelques familles l’hérédité de certains crimes. Il faut voir, dans une des comédies que l’Anglais Wilson a traduites du sanskrit, un brahme-voleur exercer sa profession héréditaire avec la superstitieuse rigueur d’un puritanisme dévot. « Voyons, dit ce brahme. Il s’agit d’enlever quelques pierres de ce mur, et d’y pratiquer un trou pour y passer sa main et pour voler. C’est bien ; mais ce trou doit être d’une dimension et d’une forme spéciale, ainsi que l’indique le code de notre métier. » Il continue de cette manière, et opère son effraction et son vol avec une grande exactitude, suivant le formulaire qu’il tire de sa poche. Les débris de ces étranges institutions qui ont fait entrer le vice dans la loi, et qui ont organisé le mal, ne sont pas tout-à-fait anéantis dans l’Inde. Aujourd’hui même, les thugs étranglent encore le voyageur selon les règles, et, lorsque la justice anglaise s’empare d’eux pour les pendre, ils meurent contens d’avoir bien fait leur métier de thugs. La ténacité vitale des institutions humaines doit effrayer le philosophe.

Ainsi parquée à jamais dans certaines habitudes transmises, la caste méprise et abhorre le reste du genre humain. La persécution augmente cet amour des ancêtres, ce respect des coutumes, ce culte des souvenirs dont les juifs ont offert un exemple bien plus mémorable que les zinkali. Enfans d’une race plus ardente, plus forte et plus puissamment douée, les Israélites ont résisté, pendant des siècles, à la tempête des révolutions et des haines humaines, comme le rocher brave la foudre. Chez les zincali, la souplesse, la ruse et une disposition vagabonde dominent tous les autres penchans ; ils sont braves, mais non héroïques ; ils se battent pour se défendre ou pour voler, non pour l’honneur. La gloire ne les touche pas ; ils tiennent surtout à la pureté de la race, à la vérité de la famille, à l’intégrité séculaire de leur sang, et c’est là ce qui leur rend chère, au-dessus de tous les trésors, la chasteté de leurs femmes, la lacha, comme ils la nomment, devenue superstition pour eux. De là le nom même de leur caste, roma, la tribu du « mariage légitime, », des maris, nom sacré, car le mot kalès, « les