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L’ALGÉRIE.

terminé que la direction des routes ; car, en Afrique, les rapports du commerce ont aussi, grace à la nature du pays, quelque chose de fixe et d’absolu. Ainsi les tribus du pays de Zab, situé au midi de Constantine, ont besoin, pendant les chaleurs de l’été, de transporter leurs troupeaux du versant méridional de l’Atlas, qui est brûlé et stérile, dans les pâturages du versant septentrional. Il en est de même pour les grains que pour les pâturages[1]. Le long de la chaîne de l’Atlas, le blé ne pousse qu’au nord. C’est donc là qu’il faut que les tribus du midi viennent le chercher ; de là une dépendance nécessaire du midi à l’égard du nord, de là la facilité de soumettre un pays entier à l’aide d’un point qui commande le passage des caravanes, et M. Baude cite fort bien à ce propos la ville de Biscarah, dans laquelle il suffisait aux Turcs d’entretenir une garnison de cent hommes seulement, et avec ces cent hommes ils étaient les maîtres de toute la province, parce que Biscarah est le passage obligé des caravanes de l’intérieur.

De Ouerghela, la route continue à l’est vers Gadames. Gadames est la station des caravanes qui viennent de Tunis et de Tripoli ; c’est là qu’elles s’arrêtent et se partagent, les unes, pour entrer dans le Fezzan, qui n’est point encore le Sahara, mais qui sert pour ainsi dire de transition entre le désert et la terre habitée ; les autres, pour se diriger à l’est vers l’Égypte. Gadames doit son importance à la réunion de ces diverses caravanes, et c’est pour cela que cette ville est disputée entre les régences de Tunis et de Tripoli, qui savent que de sa possession dépend la possession du commerce de l’Afrique intérieure.

Depuis notre conquête, la marche des caravanes est interrompue dans l’Algérie ; Oran ne reçoit plus les caravanes qui par Tafilet arrivaient jusque dans ses murs. Medeah n’est plus l’entrepôt d’Alger. Biscarah et Tuggurth ne sont plus les stations de Constantine. Cette route de ceinture ouverte depuis l’antiquité entre l’Atlas et le désert, et qui est, pour ainsi dire, la grande artère commerciale de l’Afrique septentrionale, devient inutile pour l’Algérie. Elle n’y envoie plus les caravanes venant de l’intérieur de l’Afrique, lesquelles se détournent toutes, soit à l’ouest, vers le Maroc, soit à l’est, vers Tunis et Tripoli ; elle ne reçoit plus aucune caravane de Constantine ou de Medeah, et la pieuse caravane de la Mecque, qui continue à la suivre, maudit en passant cette terre de l’Algérie habitée aujourd’hui par les infidèles.

  1. M. Baude, deuxième volume, 66-67, etc.