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L’ALGÉRIE.

Quand on jette les yeux sur la carte que M. Walkenaer a tracée pour l’intelligence de ses recherches sur l’Afrique septentrionale, et où sont marqués les divers itinéraires du Sahara qu’il a recueillis dans les voyageurs, et dans les rapports des consuls européens, on voit qu’en partant de Tombouctou, regardé par M. Walkenaer comme le centre du Soudan, aucune route ne se dirige du sud au nord, le plus grand nombre tourne à l’est, et quelques-unes à l’ouest. Mais la plus curieuse de ces routes est celle qui, allant de l’ouest à l’est, semble, pour ainsi dire, décrire au pied du versant méridional de l’Atlas un immense chemin de ronde, et part de Mogador sur l’Atlantique pour aller retrouver, à l’est le Fezzan et profiter du prolongement de ses oasis dans le désert. Cet itinéraire circulaire doit à plusieurs titres attirer notre attention : il est d’une part le plus ancien, et de l’autre il est celui qui peut être le plus utile à l’Algérie, étant plus à sa portée que tous les autres.

Cet itinéraire est le plus ancien, car c’est celui que décrit Hérodote. Selon Hérodote, de Thèbes en Égypte, en dix jours de marche, on arrivait dans le pays des Ammonéens, de là en dix jours chez les Nasamons, de là chez les Garamantes, qui habitaient les bords de la grande Syrte, de là chez les Atarantes, de là enfin chez les Atlantes, qui demeuraient au pied de l’Atlas, mettant toujours dix jours entre chaque station, se dirigeant toujours à l’ouest, et, dans cette direction y trouvant toujours de l’eau et de l’herbage ; tandis qu’au midi et dans l’intérieur de la Libye, la terre, dit-il, est stérile et déserte, sans sources, sans pluie, sans animaux et sans bois[1]. Ailleurs Hérodote, racontant le voyage mystérieux entrepris par les cinq fils d’un roi des Nasamons[2], qui voulaient pénétrer en Libye plus loin que tous ceux qui l’avaient parcourue avant eux, dit que ces jeunes gens, après avoir traversé des déserts arides, arrivèrent dans un pays où il y avait de grands marais et un grand fleuve, sur quoi on n’a pas manqué de croire qu’ils avaient pénétré jusqu’au Niger, et jusqu’à cette mer intérieure qu’on place au sein de l’Afrique ; mais Hérodote dit expressément qu’ils marchèrent toujours vers l’occident : ils arrivèrent donc dans le Maroc et non dans le Soudan, s’ils arrivèrent quelque part. Cette route de l’est à l’ouest n’a point été abandonnée pendant le moyen-âge, car le géographe arabe Edrisi rapporte que de son temps il y avait des caravanes qui allaient par cette route

  1. Hérodote, IV, ch. 181 à 185 ; Walckenaer, pag. 378.
  2. id., II, ch. 32.