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toujours recherchés[1]. De là l’antique usage de ces grandes caravanes qui se réunissent des divers points de l’Afrique centrale pour traverser le désert, puis se partagent, quand elles arrivent aux frontières de l’Afrique septentrionale, et se dirigent vers les villes de la Méditerranée, où les attend le commerce européen.

Au premier coup d’œil, l’Atlas, qui s’élève comme une muraille entre le désert et l’Afrique septentrionale, semble devoir arrêter la marche des caravanes vers les côtes de la Méditerranée ; mais l’Atlas est coupé par des défilés qui, tout étroits qu’ils sont, laissent passer le commerce ; et M. Baude, dans son ouvrage, a recherché avec soin quelles sont ces portes ouvertes dans l’Atlas et quelles sont celles que l’art des ingénieurs pourra ouvrir. Non que M. Baude veuille que nos colons ou nos soldats franchissent l’Atlas : c’est pour le commerce qu’il demande des routes faciles et sûres ; il veut rappeler à Médéah, à Constantine, à Alger, les caravanes qui en ont oublié la route. Il suit avec une attention intelligente les traces anciennes de leur arrivée dans les villes de la côte. Bougie, dans le moyen-âge, faisait un grand commerce : les vaisseaux de Gênes, de Pise, de Venise, abordaient dans son port, et les caravanes de l’intérieur arrivaient dans ses murs. Et ce qu’il faut remarquer, c’est qu’en Afrique, partout où nous trouvons sur la côte une ville que le commerce rend florissante, il y a, en face de cette ville, quelque défilé ouvert à travers l’Atlas, qui laisse arriver les caravanes dans ses murs, soit que la ville ait été créée à cause de ce défilé, soit que le défilé ait été trouvé à cause de la ville par le commerce, toujours habile à se frayer des routes. M. Baude ne doute pas que, si nous parvenons à pacifier le pays, la paix et le commerce ne découvrent dans l’Atlas des passages encore inconnus aujourd’hui.

Oran, autrefois, était aussi un des principaux rendez-vous des caravanes : depuis deux ans, elles n’y viennent plus ; notre conquête

  1. Dans l’antiquité, les esclaves noirs, et surtout les femmes, avaient un grand prix. Ainsi, dans l’Eunuque de Térence, quand un jeune homme veut prouver à sa maîtresse qu’il a satisfait à toutes les fantaisies qu’elle a eues, même aux plus coûteuses : « Tu as désiré, dit-il, une esclave noire ; je t’en ai donné une à tout prix. Tu as voulu avoir un eunuque, parce qu’il n’y a que les reines qui aient des eunuques ; j’en ai acheté un. »

    Nonne, ubi mihi dixti cupere te ex Æthiopia
    Aucillulam, relictis rebus omnibus,
    Quaesivi ? Porro eunuchum dixti velle te,
    Quia solæ utuntur his reginæ : reperi.