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L’ALGÉRIE.

de politique ou de vanité humaine : je dis seulement que les fidèles tiendront d’autant plus à la religion qu’ils sauront qu’aux yeux des Arabes le culte fait la nationalité.

Je compte aussi, parmi les avantages de l’église d’Alger, le contact des mœurs et du génie de l’Orient. N’est-ce rien, croyez-vous, pour l’église chrétienne, de se retrouver au milieu des mœurs de la Bible et de l’Évangile ? La vie des patriarches avec sa simplicité et sa gravité, la résignation et l’abandon à Dieu, l’ardeur et l’enthousiasme des prophètes, le calme et la paix des solitaires, le merveilleux accord de la naïveté et de la grandeur, tout ce que nous aimons enfin, tout ce que nous adorons dans la Bible et dans l’Évangile, tout cela est encore en Orient, surtout pour ceux qui y apportent avec eux la Bible et l’Évangile[1]. Sans ces deux livres, en effet, l’Orient est presque muet, ou du moins l’Orient ne parle qu’aux sens ; mais la Bible et l’Évangile expliquent l’Orient tout entier. Qui donc le comprendra mieux que l’église chrétienne, nourrie de ces deux livres ? Les saintes lettres elles-mêmes, éclairées par ce soleil qui les a vues naître, acquerront une clarté et une splendeur nouvelle, et l’église retrouvera là, mieux que partout ailleurs, ce don de convertir les ames et de créer la foi qui est la force et la vertu de l’Orient. Puisse donc l’église d’Alger s’inspirer chaque jour davantage de la Bible et de l’Évangile expliqués par le génie de l’Orient ! Puisse cette étude être toujours une inspiration de l’esprit et de la parole orientale et jamais une imitation ! En effet, dans ce commerce d’intelligence que l’église chrétienne doit avoir avec l’Orient, le soin et la préoccupation littéraires gâteraient tout.

Il est des personnes qui craignent que l’église d’Alger ne pèche par trop de zèle. Je n’ai point cette crainte : là où tout est à faire, je ne redoute pas ceux qui veulent faire beaucoup. L’évêque d’Alger a déjà montré de quelle manière il comprenait sa mission évangélique, en travaillant à la délivrance des Français prisonniers d’Abd-el-Kader et des Arabes prisonniers parmi nous. Ne nous faisons donc pas scrupule de nous servir parfois de prêtres pour médiateurs avec les Arabes ; n’ayons pas peur de donner du pouvoir à l’église d’Alger.

  1. Un grand peintre, M. Horace Vernet, qui a parcouru l’Orient, me disait que, pendant son voyage et depuis son voyage, il lisait sans cesse la Bible. C’est là qu’il retrouve la vie et les attitudes morales de l’Orient. M. Baude, dans ses excursions en Afrique, fut plusieurs fois reçu par des cheicks arabes. Il raconte leur hospitalité, et les versets de la Bible qu’il intercale dans son récit s’y adaptent sans aucun effort.