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LITTÉRATURE ET PHILOSOPHIE CATHOLIQUE.

qu’Ève a conçu dans son sein quand elle fut séduite par le serpent, c’est Satan ; la postérité de Caïn c’est encore Satan. Or, Caïn fut le premier qui bâtit une ville, l’entoura de murailles et la peupla d’habitans. L’entendez-vous, hommes du progrès continu ! s’écrie M. Guiraud. L’apostrophe est accablante, et M. Guiraud poursuit, lançant l’anathème contre les cités : aucune ville ne trouve grace devant lui, car toutes sont l’œuvre du diable, car dans toutes on trouve des désirs qui s’allument par le frottement des individualité, et des voluptés qui s’assouvissent au moyen du nombre. On s’aperçoit que l’auteur vit à la campagne, comme il nous l’a dit ; du fond de sa retraite, il damne sans pitié toutes les cités et tous les citadins, depuis Rome jusqu’à Constantinople, depuis les habitans d’Athènes jusqu’à ceux de Paris.

Nous ne sommes plus étonné maintenant des reproches que M. Guiraud a adressés à Bossuet ; pour lui, l’histoire est le règne du diable, et il y avait partout la trace du pied fourchu de son héros. C’est ainsi qu’il s’acquitte de la mission qu’il s’est donnée, d’expliquer les annales humaines, car il ne veut pas ressembler à « ces commis des télégraphes qui reproduisent et propagent au loin les signes qui leur sont faits, sans avoir le mot des évènemens qu’ils transmettent. La plupart des historiens, tant anciens que modernes, en sont là. » Ce langage est fier ; la plupart des historiens, tant anciens que modernes, ne sont que des commis de télégraphes, et M. Guiraud ne veut pas être confondu avec de pareilles espèces. Nous croyons qu’il peut être tranquille sur ce point ; il n’a rien de commun avec les historiens anciens et modernes.

Faut-il donc mettre M. Guiraud au rang des défenseurs avoués de la foi ? Que pense l’église d’un pareil auxiliaire ? Accepte-t-elle les secours et la coopération que lui offre l’auteur de la Philosophie catholique ? Nous ne doutons pas de la sincérité des sentimens religieux de M. Guiraud ; mais, à notre sens, c’est bien le chrétien le plus compromettant que nous ayons jamais rencontré. Son livre tourne à la caricature, et produit un effet tout contraire à celui que l’auteur s’est promis ; il met en relief ce que le système catholique, qui présente de si beaux aspects, a sur d’autres points d’exagérations et d’erreurs. On dirait parfois que M. Guiraud s’est proposé de faire la charge du catholicisme. Sans doute telle n’a pas été sa pensée : nous savons que l’auteur s’exprime toujours en fils soumis de l’église ; au milieu de ses divagations les plus bizarres, il proteste avec une singulière candeur que, si par hasard l’église désapprouvait ses doctrines,