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EUSTACHE LESUEUR.

Le Poussin apprit par hasard que ce jeune homme rompait des lances à son sujet ; il voulut le connaître, et fut si charmé de sa candeur, de l’élévation de ses sentimens, de la distinction de son esprit, qu’il l’accueillit avec une bonté affectueuse et lui promit ses conseils et son amitié. Depuis ce jour, Lesueur ne quitta plus les pas de son nouveau maître : il se nourrissait de sa parole féconde et puissante ; il sentait en l’écoutant ses doutes se dissiper, ses pressentimens et ses rêves se formuler et s’éclaircir. La liberté d’esprit du Poussin, ses attaques franches et brutales contre le charlatanisme du métier, ses jugemens fermes sur toutes choses, développaient chez son jeune ami une indépendance et une fierté natives qu’une longue contrainte n’avait fait que comprimer. Lesueur se sentit revivre ; il prenait possession de lui-même, sa nature se dégageait des liens de son éducation.

C’était presque toujours sur l’art des anciens qu’ils avaient coutume de s’entretenir. Lesueur pénétrait avec délices dans ce monde tout nouveau pour lui : il feuilletait sans cesse, il dévorait les cahiers de croquis d’après l’antique que le Poussin avait rapportés, et sa mémoire se remplissait de notions et de souvenirs que, même au milieu des ruines de Rome, personne alors n’eût eu l’idée de recueillir.

Pendant plus d’une année il put ainsi se pénétrer des leçons du Poussin, et, mieux encore que de ses leçons, de ses exemples. Il assistait à ses travaux : il le vit peindre d’abord un grand tableau représentant la Sainte Cène pour le maître-autel de l’église de Saint-Germain-en-Laye ; puis, pour le Noviciat des jésuites à Paris, cette admirable résurrection de la jeune fille rappelée à la vie par le Miracle de saint François Xavier. Cet enseignement pratique le délivrait de bien des routines et lui révélait de précieux secrets.

Non-seulement il vit peindre le Poussin, mais il peignit devant lui ; c’est sous son inspiration et presque en sa présence qu’il exécuta son tableau de réception à l’ancienne académie de Saint-Luc. Ce

    deux garçons, et qu’il eut de la seconde trois enfans, dont il ne restait qu’un garçon à l’époque où écrivait Félibien. Or, s’il fût mort le 5 juin 1641, après s’être marié en juin 1640, il lui eût été difficile d’avoir de sa femme trois enfans, à moins qu’ils ne fussent venus au monde tous les trois à la fois, ce qui aurait mérité une mention particulière. D’un autre côté, s’il est mort en 1648, il faut que ce soit avant le 20 janvier, date de la fondation de l’Académie royale de peinture et de sculpture ; car, s’il eût vécu, on trouverait certainement son nom parmi ceux des douze fondateurs.