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LITTÉRATURE ET PHILOSOPHIE CATHOLIQUE.

qui as répandu des fleuves d’harmonie ! Dans cette ignorance, nous avons dû nous mettre en quête des œuvres et des titres de M. Guiraud. Il en a coûté sans doute à notre impatience, tant nous avions hâte de percer avec lui les mystères de la Philosophie catholique ! Mais il a fallu se faire une raison ; d’ailleurs nous nous sommes rappelé qu’aux jours antiques on n’approchait pas brusquement des mystères, et que ceux qui voulaient s’y faire initier devaient auparavant, par de longues épreuves, dompter leur curiosité pétulante. À Éleusis, le noviciat durait quelquefois plusieurs années, et les candidats qui s’y soumettaient se tenaient à la porte du temple en soupirant après le moment où ils pourraient y pénétrer : nous aussi, nous nous sommes arrêté sur le seuil de l’histoire de M. Guiraud, acceptant la lecture de ses précédens ouvrages comme autant d’épreuves nécessaires.

Nous voilà en face de ces tragédies qui ont causé de si cuisans remords à M. Guiraud. On dirait que, par le choix du premier sujet qu’il a traité, notre auteur ait voulu expier le tort qu’il avait à ses propres yeux en travaillant à une œuvre dramatique, que Voltaire appelait une œuvre du démon. En 1822, M. Guiraud fit jouer les Machabées sur le théâtre de l’Odéon. Ses préoccupations religieuses ont dû être bien vives pour lui avoir caché les vices de son sujet. Comment M. Guiraud ne s’est-il pas rappelé que, dans le dernier siècle, Lamotte avait fait une méchante tragédie qui s’appelait aussi les Machabées ? Il n’avait qu’à ouvrir un livre d’une notoriété vulgaire, le Cours de littérature de La Harpe, et il y eût trouvé tant la critique de la pièce de Lamotte que les raisons fort simples et fort justes par lesquelles l’histoire des Machabées ne saurait jamais être une action dramatique. Le talent de Mlle Georges soutint quelque temps la pièce de M. Guiraud à l’Odéon, et l’amour-propre du poète considéra cette réussite comme une victoire qui lui appartenait. L’année suivante, M. Guiraud fut moins heureux : la critique avait reproché à ses Machabées de n’offir qu’une déclamation vide et monotone ; il voulut lui répondre par une tragédie où il s’était efforcé de mettre du mouvement, des péripéties, et il donna le Comte Julien. Cette tentative échoua, et ce drame lugubre et lourd où l’inceste et le parricide ne parvenaient pas à faire régner la terreur, mais l’ennui, eut peu de représentations. C’est sans doute pour éviter une semblable déconvenue que quelques années après, en 1827, M. Guiraud traita un sujet plus classique, et fit jouer Virginie au Théâtre-Français. Que Virginius a été mal inspiré quand il a tué sa fille en plein