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pendant six ans que son moment fût venu. À son tour, lord John Russell attendra, et, je le crois sincèrement, avec la même patience, avec la même persévérance, avec la même confiance dans ses idées et dans l’avenir. Ainsi entendu et pratiqué, le gouvernement représentatif est le plus beau, le plus grand, le plus puissant des gouvernemens.

Quant au parti qui perd en ce moment le pouvoir, je n’en dirai que peu de mots. Nul doute qu’il n’ait fait de grandes choses et qu’il ne laisse après lui des traces profondes et heureuses de son passage aux affaires. C’est avec raison qu’énumérant tout ce qu’ont fait les whigs, — les bourgs pourris supprimés, les grandes villes manufacturières investies du droit électoral, l’esclavage aboli, les abus des municipalités réformés, les maux de l’ancienne loi des pauvres guéris ou atténués, les griefs des dissidens redressés, les lois criminelles adoucies, la dîme transformée en rente foncière, — lord John Russell demandait dernièrement à quelle époque de l’histoire de si grandes, de si utiles réformes se sont accomplies pacifiquement et en si peu de temps. C’est avec raison que, se glorifiant de tels résultats, il se félicitait encore du dernier service que les whigs viennent de rendre à leur pays en mettant sérieusement à l’ordre du jour la grande question de la liberté commerciale et de la taxe du pain. Il est juste d’ajouter que, si plusieurs des derniers ministres n’ont pas grandi dans la lutte, il en est, lord John Russell notamment, qui quittent le pouvoir avec une haute et noble situation. Pourquoi faut-il que, fidèle à ses précédens, à ses principes, à ses paroles en tout ce qui touche la politique intérieure, le parti whig ait, en ce qui concerne les affaires extérieures, démenti et trahi récemment ses paroles, ses principes, ses précédens ? Et ici ce n’est point seulement au point de vue français que je me place ; Pitt a été l’ennemi acharné de la France, mais je n’oserais dire qu’il n’a pas bien servi l’Angleterre. L’avenir prouvera, j’en suis convaincu, que, dans la politique extérieure des whigs depuis deux ans il y a plus d’imprévoyance encore que de déloyauté, et qu’ils ont tout à la fois compromis leur caractère et affaibli leur pays.

Il reste une dernière question, la plus grave pour nous. Quelles seront relativement aux affaires étrangères, à celles surtout qui intéressent la France, les conséquences du changement de cabinet ? À cette question, je réponds sans hésiter par un seul mot : Rien. J’ai dit ailleurs, et je persiste à croire que les passions personnelles de lord Palmerston ont beaucoup contribué au traité du 15 juillet, et