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prévoir comment le nouveau cabinet établira son budget. Toutes les économies possibles ont été faites, en 1829, par le duc de Wellington, et depuis par les whigs. Aujourd’hui, pour réduire les dépenses, il n’y a qu’un moyen, la réduction des armemens ; mais les tories, qui depuis deux ans reprochent aux whigs de ne pas donner aux forces navales et militaires du pays un développement suffisant, n’auront certes pas recours à ce moyen. Cependant, d’après les calculs non contredits de M. Baring, la comparaison des dépenses aux revenus ordinaires révèle un déficit de 1,800,000 liv. (45 millions environ). Et, qu’on le remarque bien, ce chiffre a dans le budget anglais, une tout autre portée que dans le nôtre. En France, on inscrit aux dépenses ordinaires une somme de près de 80 millions pour le rachat de la dette (dotation de l’amortissement et rentes rachetées). En France, un déficit de 45 millions signifierait donc encore un surplus réel de 35 millions. En Angleterre, il signifie un déficit véritable et auquel il faut pourvoir. C’est là, pour le dire en passant, un très fâcheux résultat de la politique financière des whigs pendant les premières années. Avant eux, on avait soin de régler le budget de manière à ce qu’il y eût toujours un excédant qui, sous un nom ou sous l’autre, pouvait servir au rachat de la dette. Depuis leur avènement, cet excédant a disparu, et l’on en voit les conséquences. Pour répondre aux accusations des tories, les whigs énumèrent avec complaisance toutes les réductions qu’ils ont opérées sur les dépenses et sur les taxes : les dépenses générales ramenées de 19,000,000 l. à 18,000,000 l. ; les taxes les plus lourdes pour le peuple diminuées ou supprimées, jusqu’à concurrence de 6,236,000 liv. ; la taxe de la poste enfin presque annulée. Tout cela est fort beau sans doute, mais ne justifie pas l’imprévoyance qui n’a maintenu au budget ni fonds d’amortissement, ni surplus disponible. C’est dans ce sens, et dans ce sens seulement, que sir Robert Peel a raison d’opposer au déficit actuel l’excédant qui existait de son temps.

Quoi qu’il en soit, le déficit existe, et il faut le combler. Comment les tories le combleront-ils ? Sur ce point, sir Robert Peel n’a point dit son secret, l’oracle est resté muet. Il n’a guère d’autre ressource pourtant que d’augmenter un impôt ancien ou d’en établir un nouveau. Lord John Russell alors ne sera-t-il pas bien fort quand il répétera devant la chambre des communes ce qu’il disait il y a peu de jours devant les électeurs de la Cité : « En examinant l’état financier du pays, j’ai vu qu’outre les taxes payées à la reine, et qui entrent au trésor public, il y a d’autres taxes établies au profit de différentes