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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

tories, remit les anciens partis en présence et anéantit toute chance de transaction. Sir Robert Peel, à peine arrivé d’Italie, crut devoir faire des propositions à lord Stanley ; mais la rupture de celui-ci avec les whigs était trop récente encore pour que, dans de telles circonstances, il pût les accepter. Il refusa, et, sans combattre le nouveau cabinet, il garda à son égard l’attitude de protecteur un peu chagrin et un peu hautain. Plus tard, quand lord Melbourne rentra triomphant aux affaires, porté sur les bras des radicaux, lord Stanley, bien que chaque jour l’éloignât davantage de ce ministère, continua à siéger sur les bans ministériels, au milieu de ses anciens amis. Cependant, par la force des choses, tout en siégeant avec eux, il votait contre eux, et à chaque division importante on le voyait traverser l’espace qui sépare les deux partis et passer du côté de l’opposition. Une telle situation n’était pas tenable, et les murmures qui accueillaient chacune de ses évolutions le lui firent bientôt sentir. Un jour donc que ces murmures avaient pris un caractère plus offensant que d’habitude, il revint précipitamment à son banc, prit son chapeau qu’il y avait laissé, et, aux applaudissemens de la chambre entière, alla résolument le placer à côté de celui de sir Robert Peel. Du parti intermédiaire qu’il avait créé, sir James Graham suivit seul son exemple, et depuis ce jour ils ont été tous deux les plus fidèles associés de sir Robert Peel et les plus intrépides champions de l’opposition.

Que lord Stanley fût dans l’erreur sur l’importante question qui l’a séparé des whigs, j’en suis plus convaincu que personne ; mais à moins de vouloir que, comme jadis, on meure dans le parti où l’on est né, quoi qu’il arrive ou quoi qu’on pense, il est impossible de ne pas honorer profondément lord Stanley sacrifiant à une opinion consciencieuse sa position ministérielle, et, ce qui est plus douloureux, de vieilles et chères amitiés. Je puis à cet égard raconter un fait curieux et qui prouve combien la prétendue apostasie de lord Stanley est le fruit d’une longue et persévérante conviction. En 1826, lorsqu’il était whig ardent, je le connus à Preston, et, après l’élection, je passai quelques jours avec lui chez lord Derby. Au nombre de nos sujets de conversation se trouva précisément celui des biens de l’église, de leur nature et de leur destination ; sur ce point, j’avais nos idées françaises et je fus surpris de voir lord Stanley me combattre avec beaucoup de vivacité. « Vous auriez tort, lui dis-je, de vous trop engager ; vos amis les whigs, et notamment M. Brougham, votre chef parlementaire, m’ont paru sur cette question bien