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DE LA CRISE ACTUELLE EN ANGLETERRE.

de suivre le ministère, et affectaient de se placer sur un tout autre terrain. À la réduction des droits sur les sucres, ils opposaient moins l’intérêt des planteurs que celui des nègres, et quant au bill des céréales, ils en combattaient le mode et l’opportunité bien plutôt que le principe ; ils niaient d’ailleurs que la question générale de la liberté du commerce fût engagée dans les trois mesures, et que le parlement eût à se prononcer sur cette question par oui ou par non. Enfin, sir Robert Peel et lord Stanley parlaient non comme les adversaires de tel ou tel bill, mais comme les chefs d’une opposition qui, après avoir tenu le gouvernement en échec pendant trois ans, croit que son jour est venu. Dans le premier discours de sir Robert Peel, celui qui peut passer pour sa prise de possession, il réservait son opinion sur la question des bois, demandait pour la question des sucres un ajournement fondé sur la grande épreuve qui se fait en ce moment, et se bornait, relativement à la question des céréales, à se prononcer pour un tarif gradué préférablement à un droit fixe. Puis, ce tribut payé, il revenait bien vite à la conduite générale du ministère, qu’il montrait abandonnant misérablement les mesures dont, en 1835, il avait fait le pivot de toute sa politique, invoquant dans l’affaire du Canada, dans celle du privilége, dans celle de la loi des pauvres, l’appui de l’opposition, et battant ses amis avec l’aide de ses adversaires ; réduisant enfin les impôts sans réduire les dépenses, de manière à remplacer un boni de 2,000,000 liv. par un déficit de 7,000,000 liv. (175 millions). « Et dans cette situation, fruit de votre mauvaise administration et de votre incapacité, ajoutait sir Robert Peel du ton le plus dédaigneux, vous venez encore implorer mon secours et me demander un budget ; c’est me supposer par trop généreux ou par trop dupe. Si, comme on l’a dit, la vue d’un homme de bien luttant avec l’adversité est un spectacle digne des dieux, je reconnais que tout le monde, dans cette chambre, doit envisager avec une sympathie bien sincère la situation du chancelier de l’échiquier. Il est en effet impossible d’imaginer une situation plus lamentable que celle d’un chancelier de l’échiquier assis sur une caisse vide, penché sur le gouffre sans fond du déficit, et pêchant un budget. Mais je ne veux pas mordre. » Sir Robert Peel finissait en déclarant que, selon lui, les ministres, en gardant le pouvoir, bien que la confiance parlementaire se fût retirée d’eux, avaient agi contrairement aux principes de la constitution, et que de là venait tout le mal.

On sait que, sur la question des sucres, le ministère fut battu à