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dres, après quoi chacun se retira paisiblement. Le second meeting donna le premier spectacle public d’une lutte organisée entre les radicaux et les chartistes. L’association radicale de Leeds avait préparé une réunion pour demander au parlement le scrutin secret et le droit de suffrage pour tout propriétaire ou locataire d’une maison (house hold suffrage). Plusieurs membres du parlement, M. O’Connell entre autres, devaient assister à cette réunion ; mais, dès le matin, les chartistes annoncèrent l’intention de s’y opposer, et, bien que pour les contenir on eût fait prêter serment à six cents constables spéciaux, ils s’emparèrent du terrain, dont fort prudemment on les laissa maîtres. Après les discours les plus violens, les plus outrageans contre les radicaux parlementaires et notamment contre M. O’Connell, ils arrêtèrent les résolutions suivantes :


1o  Que les chartistes, dans aucun cas, ne se prêteront à une transaction et n’accepteront une réforme qui ne donnera pas au pays le suffrage universel et les cinq autres articles de la charte.

2o  Qu’on ne peut voir sans dégoût et sans mépris que de prétendus réformistes aient essayé d’introduire parmi les honnêtes habitans de Leeds l’homme politique le plus décrié de ce temps et d’aucun autre, M. O’Connell.

3o  Que le gouvernement de lord Melbourne est le plus cruel, le plus incapable, le plus étourdi, le plus immoral, le plus sanguinaire, le plus méprisable, qui de mémoire d’homme ait existé.


Après cette belle manifestation, bon nombre de chartistes se retirèrent et firent place aux radicaux M. Hume, M. Strickland, M. Roebuck, M. Sharman Crawford, M. Marshall, le colonel Thompson, qui, au prix de quelques huées et grace à la protection d’un des chefs chartistes, M. Collins, parvinrent enfin à se faire entendre et à emporter à l’unanimité, non la résolution qu’ils avaient préparée, mais une résolution conçue en termes généraux et demandant la réforme. Quant à M. O’Connell, il arriva le lendemain seulement pour un déjeuner à huis clos, et échappa ainsi à l’étrange ovation qui l’attendait.

Hors ces deux meetings, caractéristiques l’un et l’autre, il n’y eut rien, je le répète, d’août 1840 à janvier 1841 qui indiquât au sein des partis beaucoup d’irritation et d’empressement à en venir aux mains. La raison en est simple. C’était le moment où, en Angleterre comme en France, tous les yeux se fixaient sur le traité du 15 juillet et sur les graves évènemens qui pouvaient en résulter. Mais si l’at-