Page:Revue des Deux Mondes - 1841 - tome 27.djvu/328

Cette page a été validée par deux contributeurs.
324
REVUE DES DEUX MONDES.

n’était pas de peuple qui n’eût été amené par le mouvement de la civilisation à laisser tomber en désuétude un ou plusieurs articles de sa constitution, la lettre écrite étant immobile et ne pouvant suivre le progrès du temps. Enfin le haut état d’Argovie avait pu être forcé par une nécessité impérieuse à faire ce qu’il avait fait. M. Neuhans terminait par de chaleureuses considérations en faveur de l’idée qui préoccupait alors tous les Suisses, le maintien de l’indépendance nationale. Ce discours, qui résumait tout ce qu’il y a de généreux et en même temps d’extra-légal dans les idées du parti libéral suisse, produisit une impression très complexe. Tout le monde s’associa aux déclarations patriotiques du président du vorort, mais on pensa généralement qu’il avait été trop loin dans ses théories sur le droit de la nécessité et sur l’impuissance des constitutions ; c’était déjà une première impression favorable à la cause des couvens argoviens.

Après le discours d’ouverture, la diète prit connaissance de deux pétitions. L’une était signée par les supérieurs et supérieures des monastères supprimés, qui réclamaient la révocation pure et simple des décrets des 13 et 20 janvier ; l’autre était des réfugiés politiques argoviens, qui exposaient d’une manière générale les vœux et les griefs de la population catholique, et qui demandaient à la diète l’envoi de commissaires fédéraux dans le canton. Ensuite, les députés des six cantons qui avaient demandé la convocation de la diète extraordinaire, prirent successivement la parole pour expliquer les motifs qui avaient déterminé leurs gouvernemens à faire cette demande. Le député d’Uri commença, et fit valoir avec une grande force les raisons qui militaient en faveur du rétablissement des couvens ; après lui vinrent Schwytz, Underwald, Zug, Fribourg et Neuchâtel, qui présentèrent les mêmes conclusions. Tous reconnaissaient à Argovie le droit de punir les personnes qui auraient troublé la tranquillité publique, mais ils niaient que les établissemens dont ces personnes étaient membres pussent être responsables de leurs actes, et ils déclaraient qu’à leurs yeux il y avait eu violation du pacte fédéral.

Ainsi se passa la première séance de la diète. À la seconde, le mémoire justificatif du gouvernement d’Argovie dont il avait été si souvent question fut enfin distribué aux députés, et le premier député d’Argovie, M. Wieland, prit en outre la parole pour défendre son gouvernement. Le mémoire justificatif n’avait pas moins de 157 pages d’impression ; on y trouvait une longue dissertation historique et philosophique sur l’inutilité des couvens en général ainsi que