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c’est-à-dire d’une manière encore moins fondue que Janet ; et il y avait plus de vingt-cinq ans qu’on faisait de la grande peinture italienne à Fontainebleau, lorsque Corneille mourut sans avoir songé un seul jour à renoncer à sa méthode.

Dumoutier, qui faisait des portraits au crayon de couleur[1] avec une grande précision et une finesse un peu gothique, ne vit pas sa réputation diminuer ni ses dessins perdre leur prix devant les dessins largement estompés des artistes ultramontains.

Enfin Janet, qui ne vivait pas en province, mais qui passait sa vie dans les palais royaux et qu’Henri II et Charles IX admettaient dans une sorte de familiarité, Janet fut parfaitement insensible aux théories qu’il voyait pratiquer à côté de lui, et persista dans sa manière sans y avoir introduit la moindre modification.

Ainsi cette grande faveur accordée par nos rois au Rosso, au Primatice et à leurs compagnons, n’eut pas toutes les conséquences qu’on pouvait craindre. Le bon sens de nos artistes, et toutes les causes secondaires que nous venons d’indiquer, en avaient atténué les dangers.

Il faut convenir aussi que le Primatice était singulièrement plus tolérant que le Rosso. Il n’avait pas de fanatisme pour Michel-Ange. Sa manière conventionnelle aspirait plutôt à la grace qu’à la force et aux grands effets. Il payait bien aussi de temps en temps son tribut à l’anatomie et à la science musculaire, mais il donnait plus volontiers à ses figures cette élégance svelte et allongée qu’affectionnaient aussi quelques-uns de nos artistes, et que Jean Goujon, par exemple, s’était appropriée avec tant de bonheur.

Le successeur du Primatice fut un Français, mais un Français plus Italien, plus académique, plus Florentin, que le Rosso lui-même. Il se nommait Toussaint Dubreuil. Son père[2], Louis Dubreuil, était de ceux qui, quarante ans auparavant, s’étaient livrés aux Italiens sans restriction, sans se rien réserver de leur finesse, de leur esprit, de leur caractère de Français. Le fils avait hérité des traditions paternelles ; il dessinait avec lourdeur et fracas.

Je ne peux pas croire que Toussaint Dubreuil, devenu directeur

  1. Ce genre, si bien traité par Holbein, fut extrêmement à la mode pendant tout le XVIe siècle. Il existe à la Bibliothèque du Roi une collection peu connue de portraits de ce genre, dessinés avec une rare finesse, et qui représentent les personnages les plus célèbres des règnes de Henri II et Henri III. Ces portraits sont signés Fulonius, probablement Foulon. Aucun auteur ne parle de ce maître.
  2. D’autres disent son oncle.